L'AZERBAÏDJAN A TOUJOURS TORT
Paris / La Gazette
Quoi qu’il fasse, l’Azerbaïdjan a toujours tort. La Russie cherche à annexer un territoire ukrainien, c’est une invasion. L’Arménie occupe une partie de l’Azerbaïdjan, c’est un droit, et quand celui-ci libère ses territoire, c’est une invasion.
Dans les années 80, les Français abandonnaient pendant une heure tout ce qu’ils étaient en train de faire pour écouter une émission de radio d’une drôlerie irrésistible : le « Tribunal des flagrants délires ». Dans un décor imitant celui d’un véritable tribunal, l’invité : un artiste, un politique, un écrivain, présenté comme « l’accusé » , était interrogé par le président du tribunal, le journaliste et auteur Claude Villers, en présence de témoins, des amis de l’artiste qui racontaient sa vie, d’un avocat, l'humoriste Luis Rego, et du « procureur », le regretté Pierre Desproges. Celui-ci, qui partait dans des digressions à mourir de rire, souvent sans aucun rapport avec l’invité, concluait systématiquement son « réquisitoire » par « Donc, l’accusé est coupable ». Plus exactement « Donc, l’accusé est coupable, mais son avocat vous en convaincra mieux que moi »
L’Azerbaïdjan aurait pu être l’un des invités à cette émission. Quoi qu’il fasse, il a tort, surtout lorsqu’il est dans son droit. L’appartenance du Karabakh à l’Azerbaïdjan a été reconnu par quatre fois par les Nations-Unies, notamment par la France. Rien n’y fait. Quand il libère ses territoires occupés pendant 30 ans, il est dans son tort.
Et même lorsque certains cherchent à prendre sa défense, ils ne peuvent échapper à l’injonction de la « pensée unique », illustrant ainsi le gimmick final de Pierre Desproges « Mais son avocat vous en convaincra mieux que moi ».
Tel est le cas, cette semaine, de l’excellente chaîne d’information indépendante Blast, qui diffuse une émission dans laquelle elle critique vertement les déclarations de « l’abject Darmanin » qui attribue à l’Azerbaïdjan les troubles qui secouent en ce moment la Nouvelle Calédonie. Le journaliste explique, à juste titre, que faire croire que l’Azerbaïdjan y est pour quelque chose dans la situation en Nouvelle Calédonie est une manière de prendre les gens pour des billes, et surtout, pour le gouvernement, d’essayer de faire porter le chapeau de l’échec de sa propre politique dans la région à un facile bouc émissaire.
Mais pour autant, il ne peut s’empêcher de reprendre à son compte les vieilles rengaines colportées par la presse nationaliste arménienne, et à sa suite par les politiques sous influence. Par exemple la diffusion d‘une video critiquant l’organisation des JO de Paris. Blast ne prétend d’ailleurs pas que la vidéo a été réalisée par Bakou, mais qu’elle a été relayée par l’Azerbaïdjan. Seulement la juxtaposition de cette video et d’un discours sur la soi-disant ingérence de l’Azerbaïdjan en France suffit à suggérer que celui-ci en est l’auteur.
Et puis, comme toute le monde le sait, les journalistes azerbaïdjanais sont emprisonnés, comme le montrent des images où on voit une journaliste se faire bousculer par la police. Des images similaires ont été tournées à Paris lors des manifestations des gilets jaunes ou contre la réforme des retraites, où on voit même des journalistes, brassard de presse au bras, se faire matraquer par les forces de l’ordre. Mais ce ne sont pas des atteintes à la liberté de la presse, puisque la France est une démocratie…
Même si Blast se moque de l’accusation faite à l’Azerbaïdjan d’avoir amplifié l’affaire des punaises de lit, et s’amuse de la fameuse chanson anti-Macron, il ne peut s’empêcher de reprendre à son compte l’inénarrable légende de la « diplomatie caviar », une dénomination qui prête plutôt à sourire quand on sait que ce sont les Arméniens qui ont le monopole de l’importation du caviar en France !
Mais en quoi consiste exactement cette « diplomatie caviar » ? Tout simplement dans le « quoi que fasse l’Azerbaïdjan, il a tort ». Pointées du doigts en effet, les aides à la restauration d’églises françaises, les invitations « tous frais payés » d’élus à des conférence, ou à des compétitions sportives. Comme si l’Arménie, au moment de la guerre de 2020 n’avait pas fait venir à Erevan l’ensemble des tenors de la politique française, de Zemmour à Hidalgo, en passant par Valérie Pécresse, laquelle ne s’est pas trouvée gênée de se faire photographier devant la tombe d’un « héros » arménien frappée d’une croix gammée.
Le journaliste aurait pu faire remarquer que, l’Azerbaïdjan étant d’une des nations les plus multi-culturelles du monde, la préservation et la restauration des lieux de cultes a toujours fait partie de son programme culturel, et pas seulement en France, puisque la fondation Heydar Aliyev a restauré, entre autres, les magnifiques des catacombes de Commodilla, à Rome.
Mais non. Quand la France participe à la sauvegarde du patrimoine mondial, c’est une oeuvre, et quand l’Azerbaïdjan le fait, c’est pour «s’assurer des relais d’influence au sein du monde politico-médiatique ».
Mais, pour le journaliste de Blast, l’Azerbaïdjan a désormais « renoncé à la diplomatie caviar » en raison du conflit avec l’Arménie. Ce n’est pas tout à fait cela. C’est même exactement le contraire. Jusqu’en 2020, les échanges entre l’Azerbaïdjan et la France étaient nombreux et fructueux. Les Azerbaïdjanais étaient même conviés chaque fois qu’une conférence portait sur les droits de la Femme car le pays fut un pionnier en ce domaine. Le droit de vote par exemple, a été donné aux femmes 14 ans avant la France, et la statue la plus célèbre de Bakou est celle de la « femme dévoilée », qui représente une femme ôtant à demi son voile, montrant ainsi que, voilée ou pas, la femme était maîtresse de ses choix. Le premier voyage à l’étranger du président de la république azerbaïdjanaise après la chute de l’Union soviétique fut la France. On ne parlait pas, à ce moment, de diplomatie du « soft power », simplement parce que la France n’était pas en conflit avec l’Azerbaïdjan.
Tout a changé lorsque Bakou a décidé d’en finir avec l’occupation arménienne. Jusque là, pendant presque 30 ans, les autorités azerbaïdjanaises ont tenté de négocier le retrait des forces arméniennes de leur territoire, en proposant même des solutions d’autonomie des populations d’origine arménienne. Heydar Aliyev, puis son fils Ilham souhaitaient une solution pacifique au problème. Après des années de refus, d’échec de l’arbitrage du «groupe de Minsk », et le pillage des ressources du Karabakh par des hommes d’affaires sans scrupule, les Azerbaïdjanais ont décidé de régler le problème eux-mêmes.
Aussitôt, la puissante diaspora française a usé de toute son influence et de tous ses moyens financiers pour que le pouvoir français appuie les séparatistes arméniens, au mépris des résolutions signées aux Nations Unies, et même de la volonté même du gouvernement arménien, que les nationalistes de la diaspora ne manquent pas de critiquer pour avoir abandonné l’idée de la « grande Arménie ».
Mais en fait, la communauté arménienne est-elle réellement aussi influente qu’on le dit ? Comme l’avouent les Arméniens eux-mêmes, la communauté arménienne est un leurre. Il n’existe pas de vote arménien, pas plus qu’il n’existe de vote musulman ou chrétien. Les Arméniens votent exactement comme le reste de la population. Le mythe de l’unité d’une diaspora qu’il ne faudrait surtout pas s’aliéner de crainte de perdre des élections a été inventé par les puissants lobbyistes du parti nationaliste arménien Dashnak, et des influenceurs qui ont littéralement noyauté la sphère médiatique française.
Pourquoi les messages, comme l’existence d’un lobby azéri, font-ils autant recette ? Tout simplement parce que chez nous, les absents ont toujours tort. Et l’Azerbaïdjan, malgré ce qu’on veut nous faire croire, est totalement absent du « monde politico-médiatique ». Face aux millions injectés en permanence par les responsables ultra-nationalistes arméniens dans la presse et dans les stratégies d’influence, l’Azerbaïdjan ne compte que sur la certitude que la raison et la justice finiront un jour par l’emporter. Entre Candide et Machiavel, qui l’emportera ? Il faut être bien candide pour croire que le machiavélisme occidental pourrait se dissoudre dans la vérité des faits