UN EXPERT DE L’ONU APPELLE À LUTTER DAVANTAGE CONTRE LES FORMES CONTEMPORAINES D'ESCLAVAGE AU CANADA
Paris / La Gazette
Les programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada sont un terrain propice aux formes contemporaines d'esclavage, a déclaré mercredi un expert de l'ONU, exhortant le pays « à faire davantage » pour protéger les travailleurs et permettre un meilleur accès à la résidence permanente pour tous les migrants.
Tomoya Obokata, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage, s'est déclaré mercredi « profondément troublé par les récits d'exploitation et d'abus dont m'ont fait part des travailleurs migrants » par des travailleurs migrants au cours d'une mission d'enquête de deux semaines au Canada.
Dans une déclaration, le défenseur des droits humains a signalé que les régimes de permis de travail spécifiques aux employeurs, dont certains programmes de travailleurs étrangers temporaires, rendent les travailleurs migrants vulnérables aux formes contemporaines d'esclavage, « car ils ne peuvent pas dénoncer les abus subis sans craindre d'être expulsés ».
Ses commentaires interviennent après qu'un groupe d'ouvriers agricoles jamaïcains a envoyé une lettre au ministre du Travail du pays en août de l'année dernière, comparant leur traitement dans deux fermes de l'Ontario à de « l'esclavage systématique ».
« Les travailleurs étrangers dits ‘temporaires’ répondent à un besoin permanent sur le marché du travail et possèdent des compétences précieuses qui sont essentielles à l'économie canadienne », a fait valoir le Rapporteur spécial, exhortant les autorités canadiennes à régulariser le statut des travailleurs migrants étrangers et à mettre fin au système fermé des permis de travail.
« Le Canada doit permettre à tous les migrants un meilleur accès à la résidence permanente, afin d'éviter que les abus ne se reproduisent », a précisé l'expert onusien.
M. Obokata a reconnu que le Canada avait adopté plusieurs politiques ces dernières années pour encourager les entreprises canadiennes à protéger les droits de l'homme, se félicitant notamment de la création du bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE), de la révision de la stratégie sur la conduite responsable des entreprises et du Code de conduite pour l'approvisionnement du Canada afin de réduire le risque de travail forcé et de travail des enfants, et de l'adoption d'une législation sur la transparence qui exige des entreprises qu'elles rendent compte des mesures prises pour lutter contre le travail des enfants et le travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement.
« Le Canada doit faire davantage pour mettre en œuvre ces mesures afin de lutter contre l'esclavage moderne, en protégeant les droits des travailleurs et en s'attaquant aux discriminations qui favorisent l'exploitation », a martelé l'expert.
M. Obkata a exhorté le gouvernement à proposer une législation « obligeant les entreprises canadiennes à mettre en œuvre une diligence raisonnable en matière de droits de l'homme et à étendre l'indépendance, les pouvoirs et le mandat du OCRE ».
Depuis des années, les défenseurs des droits demandent au gouvernement canadien de s'attaquer aux problèmes systémiques de ses programmes de travailleurs étrangers temporaires, arguant que ces programmes exposent les travailleurs à des abus et ne leur laissent que peu de recours pour obtenir réparation.
Entre 50 000 et 60 000 travailleurs agricoles étrangers viennent au Canada chaque année avec des permis temporaires pour travailler dans divers secteurs, de la plantation et de la récolte des fruits et légumes à la transformation de la viande.
Les travailleurs étrangers venus au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers (PTAS) - un programme qui permet aux employeurs canadiens d'embaucher des travailleurs migrants temporaires en provenance du Mexique et de 11 pays des Caraïbes - peuvent travailler jusqu'à huit mois par an.
Pourtant, ces travailleurs, dont beaucoup viennent au Canada depuis des décennies, disent qu'ils sont contraints de vivre dans des logements surpeuplés et insalubres et de travailler de longues heures dans des conditions dangereuses. Ils affirment également qu'ils sont menacés d'expulsion ou d'autres mesures de rétorsion s'ils portent plainte.
Syed Hussan, directeur général de l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, a salué les conclusions de M. Obokata.
« Le rapporteur des Nations Unies a une fois de plus affirmé ce que nous savons tous, et que les migrants disent depuis des décennies - un système d'immigration à deux vitesses (...) engendre l'exploitation, l'exclusion et la violence », a estimé M. Hussan dans un communiqué.
« Tous les migrants, y compris les sans-papiers, les étudiants migrants, les travailleurs et les réfugiés, doivent bénéficier d'un statut de résident permanent afin de se protéger et de garantir une société équitable », a-t-il exhorté.
(Source ONU Info)