SÈCHERESSE EN ESPAGNE : L’EUROPE RISQUE DE PERDRE UN DE SES PLUS GRANDS VERGERS

Paris / La Gazette
À cause du manque d’eau, bientôt, l’Espagne ne sera plus le verger de l’Europe. La sécheresse y dure depuis des années et l’irrigation y est devenue impossible. L'alimentation des Européens devra se recentrer sur d'autres pays.
La sècheresse gagne de plus en plus l’Espagne. Province de Gérone, en Catalogne (Espagne)
Les réserves d’eau en Espagne sont à l’image de ce lac de barrage asséché, c'est-à-dire entre 25 et 50% de leur capacité. Ici, on redécouvre le clocher d’une église initialement au fond du lac. Il n’y a aucune pluie, et la température est montée jusqu’à 44° C dès le mois d’avril en Andalousie. On parle dorénavant de méga-sécheresse, et c'est tout un modèle agricole qui s'effondre.
La sécheresse dure depuis des années, et l’on ne peut plus irriguer comme avant. D'innombrables parcelles n'étaient cultivables qu'avec cette technique, et les robinets seront bientôt coupés. "Le pic de production espagnol est déjà passé", affirme Serge Zaka dans le reportage de TF1 en tête de cet article. Pour cet ingénieur et docteur en agroclimatologie, "le climat ne permettra plus de tenir une production telle qu’on avait. L’Espagne ne sera plus le verger de l’Europe d'ici à 2050. Ce seront les pays un peu plus au nord, comme l’Italie, la Suisse, la France, l’Allemagne ou la Belgique".
Les chiffres sont déjà alarmants : 5 millions d’hectares de céréales sont perdus, de même que 80% des olives dans le sud. En tout, 80% de la production agricole est en souffrance. Dans ce qu’on appelait "le potager de l’Europe", des maraîchers renoncent désormais à planter, par anticipation du manque d’eau.
Ses choux, salades et pastèques inondaient les supermarchés européens quelle que soit la saison. Mais pour Juan Francisco Abellaneda, agriculteur de ce sud-est aride de l’Espagne, irrigué depuis des années grâce aux eaux détournées du Tage, tout risque de basculer. "Il y a des milliers d’hectares de culture ici. Si on réduit les surfaces, tout ce qui n’est pas cultivé deviendra désertique dans quelques années. Avec l’eau qui s’en va, ce sont aussi les gens qui partent", estime-t-il.
En ce début de printemps anormalement sec, le maraîcher de 47 ans, au teint hâlé et à la voix rocailleuse, inspecte d’un œil anxieux ses rangs de brocolis, plantés sur des sillons de terre poussiéreux. Avec ses frères, il exporte 3.000 tonnes de fruits et légumes chaque année. L’activité était florissante, comme pour beaucoup d’agriculteurs de cette région, où se succèdent serres immenses, hangars flambant neufs et vergers à perte de vue.
Les conséquences économiques seront désastreuses pour la population locale. "Avec l’eau qui s’en va, ce sont aussi les entreprises, les emplois, les familles, les gens qui partent, et nos villages finissent abandonnés", soupire Borja Castro, maire d’Alcocer, un village de 300 âmes situé près des réservoirs d'Entrepeñas et de Buendía, où est pompée l’eau envoyée vers le sud-est.
Le gouvernement espagnol vient d’annoncer 2,2 milliards d’euros pour aider les agriculteurs et construire plus d’usines de dessalement d’eau de mer, et des systèmes pour accroître la réutilisation d’eaux usées. La solution laisse les agriculteurs dubitatifs. L’eau dessalée "manque de nutriments" et "a un impact environnemental important, car il faut beaucoup d’électricité pour la produire", souligne Alfonso Gálvez, responsable local du syndicat agricole Asaja. Sur nos étals cet été, il y aura encore des fruits et légumes espagnols, fournis notamment par les dizaines de milliers de serres géantes d’Andalousie, mais il y en aura moins, et la tendance semble devoir s'aggraver.