Karabagh : l’Arménie refuse de communiquer l’emplacement des mines au mépris du droit international humanitaire
Paris / Lagazetteaz
Haut-Karabagh : « L’Arménie refuse de dire où sont les mines au mépris du droit international »
L’Arménie refuse de communiquer l’emplacement des mines au mépris du droit international humanitaire. Le 27 septembre dernier, la région du Caucase de Sud s’est trouvée confrontée à une nouvelle guerre meurtrière, dont les civils ont été les premières victimes avec des bombardements massifs sur des zones résidentielles.
La signature d’un accord tripartite entre la Russie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie, le 10 novembre 2020 a marqué un véritable tournant dans le conflit dans et autour de la région du Haut-Karabagh de la République d’Azerbaïdjan. Les principes du droit international et la justice historique ont enfin été rétablie. Les territoires du Haut-Karabagh ainsi que les sept districts avoisinants occupés par les forces armées arméniennes dans des années 1991-1994, ce qui constituent 16% du territoire d’Azerbaïdjan, ont été libérés. Il s'agit d'un événement unique - pour la première fois, les dispositions des 4 résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU adoptées en 1993 et qui étaient restées lettre morte pendant près de 28 ans ont été appliqué.
Une nouvelle ère commence maintenant - l'ère de la renaissance des territoires précédemment occupés et, on espère, du rétablissement des relations entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Toutefois, au mépris total du droit international coutumier et des principes du droit international humanitaire, l’Arménie refuse de communiquer les emplacements des mines qui infestent les territoires repris par l’Azerbaïdjan.
Depuis la fin du conflit, les mines anti personnelles qui ont été disséminées par les forces armées arméniennes ont déjà coûté la vie de 14 personnes et blessé 60 autres.
Une telle attitude doit être dénoncée.
Depuis les années 80, la communauté internationale s’attèle à encadrer l’utilisation des mines. D’abord, la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques signée à Genève en 1980 a été complétée par un Protocole II sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines. Ce protocole prévoit des restrictions à l’utilisation des mines, l’enregistrement et la publication de l’emplacement des champs de mines ainsi que la coopération pour l’enlèvement des mines. Modifié en 1996, le Protocole dispose notamment que « Lorsqu'une partie ne contrôle plus des zones dans lesquelles elle a mis en place des champs de mines, zones minées, mines, pièges et autres dispositifs, elle fournit à la partie qui en a le contrôle, en vertu du paragraphe 2 du présent article, dans la mesure où cette dernière le permet, l'assistance technique et matérielle dont celle-ci a besoin pour s'acquitter de cette responsabilité. ». Ainsi, le déminage incombe en principe à la partie qui a procédé au minage. Lors des accords de paix, les plans de minage doivent être échangés entre les parties et transmis au secrétaire général de l’ONU et la responsabilité du déminage doit être définie.
En 1997, les Nations-Unies impulsent la conclusion de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel qui rassemble à ce jour 162 États parties. Entre autres dispositions, l’article 5 de cette convention prévoit que chaque État partie s’engage à détruire toutes les mines antipersonnel dans les zones minées sous sa juridiction ou son contrôle ou à veiller à leur destruction dès que possible ».
L’Arménie n’est partie à aucune de ces Conventions.
Pour autant, dans la mesure où ces conventions ont seulement codifié du droit international coutumier, elles sont applicables à l’Arménie.
Le droit international humanitaire coutumier, applicable donc même aux États qui ne sont pas parties à des conventions, régit l’utilisation des mines afin que les pays belligérants n’en fassent pas un usage discriminé.
Il impose également qu’une partie au conflit qui emploie des mines terrestres enregistre son emplacement. Cette obligation d’enregistrement est complétée par celle de l’enlèvement ou de la neutralisation des mines terrestres. La coutume impose qu’après la cessation des hostilités actives, une partie au conflit qui a employé des mines terrestres doive les enlever ou les neutraliser d’une autre manière afin qu’elles ne puissent porter atteinte à des civils. Cette règle est applicable dans les conflits armés tant internationaux que non internationaux.
Les usages et la pratique de la guerre entrainent donc une obligation pour l’État perdant un conflit, de communiquer l’emplacement des mines antipersonnel. Même au cours des pires conflits, cette obligation a été respectée.
Ainsi :
- Lors des guerres indo-pakistanaises, (1947-1948, 1965, 1971), l'emplacement des champs de mines a été soigneusement relevé et, après le conflit, des cartes ont été échangées entre les belligérants. Il a donc été possible d'enlever rapidement les mines.
- À l’issue des guerres israélo-arabes de 1967 et 1973, l’emplacement de la plupart des champs de mines installés du côté syrien du plateau de Golan était connu.
- Lorsque les troupes soviétiques quittent l’Afghanistan, elles ont remis au gouvernement afghan les cartes de champs de mines.
- À la suite du conflit opposant la Croatie à l’ex-Yougoslavie en 1995, la Croatie a accepté de remettre aux Nations-Unies toutes les cartes de champs de mines en sa possession.
- L’opération Tempête du désert s’est soldée par la remise des cartes des champs de mines irakiens au gouvernement koweïtien. La liste n’est pas exhaustive.
Pour des motifs strictement politiques et ignorant toute considération humaine et humanitaire, l’Arménie met en danger la vie d’un peuple en se rendant coupable d’une violation des principes généraux du droit international, des usages installés depuis le début du XXème siècle et qui ont traversés les décennies et les conflits.
Il est évident que le gouvernement arménien n’en a que faire des populations sur ces territoires. Déjà lorsque le conflit était en cours, les forces arméniennes n’ont pas hésité à utiliser des bombes à sous-munitions, une arme prohibée par toutes les conventions internationales dont l’utilisation a été dénoncée par de nombreuses ONG.
Alors que la tendance internationale est à l’éradication des mines, l’Arménie ne craint pas de mettre en danger la vie des peuples, contraints au déplacement, qui souhaitent revenir sur leur terre.
L’Arménie doit impérativement cesser ce comportement meurtrier et communiquer l’emplacement des mines qui infestent les territoires repris par l’Azerbaïdjan.
Henri Fourcadis
Source : Mediapart