CHINE-AZERBAÏDJAN: BAKOU DÉFEND LE RÔLE DU SUD GLOBAL DANS LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE

Paris / La Gazette
Ces dernières années, le concept de Sud global est passé d'un terme politique de commodité à un réalignement de la dynamique du pouvoir mondial. Le Sud global ne se contente pas de s'affirmer, il réécrit les règles de l'engagement international.
De la diplomatie multilatérale à la coordination économique, des nations telles que la Chine et l'Azerbaïdjan élaborent un nouveau récit qui remet en question la hiérarchie établie et plaide en faveur d'un ordre mondial plus équitable.
Au cœur de cette transformation se trouve le principe du multilatéralisme, auquel les deux pays adhèrent. La présidence azerbaïdjanaise du Mouvement des non-alignés (MNA) de 2019 à 2023 a été marquée par un effort concerté pour redonner au bloc une nouvelle pertinence. En tant que deuxième plus grande organisation internationale après l'ONU, le MNA est particulièrement bien placé pour faire contrepoids aux alliances dirigées par l'Occident. Sous la direction de l'Azerbaïdjan, le mouvement a poursuivi la coordination des politiques entre les nations en développement, a plaidé pour un accès équitable aux vaccins anti-COVID-19 et a mis en avant les intérêts des petits et moyens États souvent exclus des processus décisionnels mondiaux.
La Chine, pour sa part, a été le porte-drapeau de la "communauté de destin commun", un cadre philosophique et géopolitique destiné à favoriser un monde plus coopératif et moins hégémonique. Ce cadre met l'accent sur la paix, le développement et le respect mutuel de la souveraineté, tout en critiquant la domination traditionnelle des puissances occidentales. Bien que les sceptiques aient mis en doute l'engagement de la Chine envers ces idéaux compte tenu de ses propres intérêts stratégiques, le concept a trouvé un écho dans de nombreuses capitales du Sud, en particulier parmi les nations qui cherchent des alternatives aux structures binaires de type guerre froide qui sont réapparues ces dernières années.
Ensemble, la Chine et l'Azerbaïdjan constituent une étude de cas sur la manière dont les grandes et moyennes puissances du Sud peuvent former des partenariats significatifs pour influencer les institutions internationales. À Astana l'année dernière, le président chinois Xi Jinping et son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliyev ont défendu ensemble la centralité du système des Nations unies et se sont opposés à la politique de puissance. Leur message était clair : la gouvernance mondiale ne doit pas être l'apanage de quelques-uns ; elle doit refléter les voix et les besoins du plus grand nombre.
"Aujourd'hui, les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, qui forment ensemble le Sud, représentent près des deux tiers des États membres des Nations unies. Ils représentent environ 80 % de la population mondiale, près de 50 % du PIB mondial et près de la moitié du volume total du commerce international. La participation des pays du Sud à la construction d'un ordre mondial plus durable, plus équitable et plus sûr est un processus naturel", a déclaré le président Ilham Aliyev dans son entretien avec l'agence de presse chinoise Xinhua.
Les pays du Sud - Asie, Afrique et Amérique latine - représentent aujourd'hui près des deux tiers des États membres des Nations unies. Ils représentent environ 80 % de la population mondiale, près de 50 % du PIB mondial, comme l'a mentionné le président Aliyev, et la moitié du commerce international. Ces chiffres illustrent une dissonance fondamentale entre les réalités mondiales et les structures de pouvoir qui les gouvernent.
Cette dissonance a des conséquences pratiques. Qu'il s'agisse du changement climatique, de la sécurité alimentaire ou de l'équité vaccinale, le système international actuel a souvent échoué à répondre de manière adéquate aux besoins les plus urgents du Sud. L'accent mis par l'Azerbaïdjan sur ces thèmes au cours de sa présidence du Mouvement des pays non alignés et maintenant dans son rôle de chef de file pour la COP29 est révélateur. Elle vise à jeter un pont entre le Sud et le Nord, en soulignant qu'aucune solution aux défis mondiaux ne peut aboutir sans un dialogue inclusif et une responsabilité partagée.
Mais la voie à suivre n'est pas sans obstacles. Le Sud reste diversifié sur le plan interne et, parfois, fragmenté dans ses priorités. L'instabilité politique, les inégalités économiques et les problèmes de gouvernance persistent dans de nombreux États membres. Et tandis que des pays comme la Chine et l'Azerbaïdjan promeuvent le multilatéralisme, leurs approches de la démocratie et des droits de l'homme suscitent souvent un examen minutieux de la part des observateurs occidentaux.
Néanmoins, l'influence croissante du Sud est indéniable. Elle représente un changement de paradigme dans la gouvernance mondiale, qui donne la priorité à la pluralité plutôt qu'à la polarité.
Le concept de communauté de destin commun n'est peut-être pas encore universellement accepté, mais ses principes fondamentaux gagnent en pertinence. Alors que le centre de gravité géopolitique continue de se déplacer, cette idée nous rappelle qu'une paix et un développement durables ne peuvent être obtenus par l'unilatéralisme. Il faut une vision commune, un ordre véritablement multilatéral fondé sur le respect mutuel, des normes juridiques et des valeurs partagées.
En cette période d'incertitude, des pays comme l'Azerbaïdjan et la Chine proposent un cadre qui, à tout le moins, mérite un siège à la table des négociations. La question de savoir si le reste du monde est prêt à écouter déterminera non seulement l'avenir du Sud global, mais aussi la trajectoire du système international lui-même.