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L'OTAN, JADIS POING REDOUTABLE, S'APPARENTE DE PLUS EN PLUS À UN BOUCLIER FISSURÉ

15 Mars 2025 12:21 (UTC+01:00)
L'OTAN, JADIS POING REDOUTABLE, S'APPARENTE DE PLUS EN PLUS À UN BOUCLIER FISSURÉ
L'OTAN, JADIS POING REDOUTABLE, S'APPARENTE DE PLUS EN PLUS À UN BOUCLIER FISSURÉ

Paris / La Gazette

L’Europe, autrefois fièrement perchée sur le piédestal de la civilisation, ressemble aujourd’hui à un château majestueux dont les murs sont lézardés, tandis que ses défenseurs jettent de plus en plus souvent des regards inquiets vers l’horizon. .

Autrefois, l’OTAN semblait être un roc inébranlable dans la tempête des défis géopolitiques, et le drapeau américain flottait au-dessus de l’Europe comme un symbole de sécurité absolue. Mais aujourd’hui, ce roc commence à s’effriter, et les alliés de l’Alliance ont compris que leur bouclier défensif dépendait bien trop d’un seul et unique pilier — les États-Unis.

Friedrich Merz, prétendant au poste de chancelier allemand, a sonné comme un glas en rappelant cette réalité préoccupante. Sa déclaration sur la nécessité pour l’Europe de s’émanciper de la dépendance envers les États-Unis a résonné comme une alerte pour ceux qui s’étaient habitués à compter sur la puissance militaire américaine. Merz n’a pas simplement lâché ces mots en l’air — il a exprimé une crainte enracinée depuis longtemps dans les couloirs du pouvoir à Berlin, Paris, Varsovie et Rome : l’Europe est aujourd’hui désarmée face aux nuages d’orage qui s’amoncellent à l’est.

Washington tourne de plus en plus le dos au théâtre européen pour se concentrer sur les vastes étendues du Pacifique, où se profile déjà une nouvelle confrontation entre grandes puissances. Les États-Unis misent désormais sur la stratégie de confrontation avec la Chine, et l’Europe se sent de plus en plus reléguée au second plan de la scène politique mondiale. L’Amérique, qui fut pendant des décennies le garant de la sécurité du continent, ne cesse de faire comprendre que ses priorités ont changé.

Quant à l’Europe, malgré sa puissance théorique sur le papier, elle se retrouve vulnérable face à la menace. Ses armées, impressionnantes lors des défilés, ressemblent de plus en plus à des chevaliers en armure rutilante mais sans épée. Sans le renseignement américain, sans la logistique américaine, sans les avions ravitailleurs américains, l’Europe reste aussi exposée qu’une forteresse aux arsenaux vides.

L’OTAN, jadis poing redoutable, s’apparente de plus en plus à un bouclier fissuré, maintenu par la peur et l’espoir d’un miracle. Les dirigeants européens sont aujourd’hui confrontés à une question épineuse : parviendront-ils à créer un véritable système de défense autonome, ou bien leur sort restera-t-il à jamais tributaire de la bienveillance de Washington ?

Aujourd’hui, cette question plane sur l’Europe tel une épée de Damoclès. De la réponse qu’apporteront les Européens dépendra non seulement la sécurité du continent, mais aussi la survie même de l’idée d’indépendance européenne, si fragile dans ce monde en perpétuelle ébullition.

Les forces aériennes européennes

L’aviation est souvent considérée comme l’un des points forts des forces armées européennes. Un haut gradé américain a souligné que si les pays européens manquent de forces terrestres et navales puissantes, leurs forces aériennes peuvent en partie combler ces lacunes.

Cependant, l’exclusion de l’aviation américaine de la structure de l’OTAN affaiblirait considérablement la puissance aérienne du bloc. Selon Greg Bagwell, ancien commandant en chef de la Royal Air Force britannique, les forces aériennes européennes sont modernes, efficaces et bien entraînées, ce qui leur permet d’opérer de manière autonome si nécessaire.

Les pays européens membres de l’OTAN disposent d’une flotte de chasseurs modernes, notamment les Rafale français, les Gripen suédois et les Eurofighter Typhoon multirôles. Ces appareils sont compatibles en matière de systèmes d’armement et de gestion, ce qui simplifie leur coordination au sein d’une même structure. Bien que les forces aériennes canadiennes soient relativement modestes, leur capacité de combat reste élevée.

Néanmoins, plus de la moitié des chasseurs de l’OTAN sont des appareils américains, et une grande partie des autres appareils provient également de la production américaine. Le F-16 reste très répandu en Europe, mais de nombreux pays le remplacent progressivement par les chasseurs de cinquième génération F-35. À ce jour, 20 pays, dont 12 membres européens de l’OTAN, ont décidé d’acquérir le F-35. Cependant, les livraisons de ces avions ne sont pas encore achevées.

L’armée de l’air britannique compte actuellement 159 avions de combat, dont 32 F-35B. L’Italie dispose de 195 appareils, dont 24 F-35A et deux F-35B. Les Pays-Bas possèdent 40 chasseurs opérationnels, tous des F-35A. Le Canada dispose de 89 avions d’attaque.

L’expert en aviation militaire Douglas Barrie souligne que les avions américains constituent l’épine dorsale de la puissance de frappe de l’Alliance, emportant à leur bord une large gamme d’armements air-air et air-sol.

Des inquiétudes majeures persistent quant à la capacité des pays européens membres de l’OTAN à reconstituer rapidement leurs stocks de munitions et à maintenir une supériorité aérienne en cas de conflit. Selon l’expert militaire Justin Bronk, il serait extrêmement difficile pour les forces aériennes européennes d’assurer une domination totale dans l’espace aérien sans le soutien des États-Unis, notamment face à la redoutable défense antiaérienne russe capable de limiter considérablement les opérations aériennes de l’OTAN.

Washington fournit traditionnellement aux alliés européens des systèmes de défense aérienne, notamment les célèbres batteries Patriot. Cependant, leur nombre reste largement insuffisant pour protéger l’ensemble du continent européen. Selon Bagwell, les pays européens doivent d’urgence investir dans le développement de leurs propres systèmes de défense aérienne pour combler cette lacune.

D’après Bronk, les membres européens de l’OTAN n’ont pas encore réussi à créer une combinaison efficace d’avions de combat modernes, d’armements, de formation des pilotes et de systèmes de soutien. Bien que certains pays aient lancé des initiatives dans ce sens, ces efforts restent fragmentés.

Les forces aériennes européennes souffrent également d’un manque criant d’avions ravitailleurs, indispensables pour mener des opérations militaires à grande échelle sur des théâtres d’opérations éloignés.

Face à ces défis, le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon ont lancé conjointement le programme "Global Combat Air Programme", visant à développer un chasseur de sixième génération, dont l’entrée en service est prévue d’ici 2035. Cependant, les experts doutent du succès de ce programme en raison des incertitudes budgétaires du Royaume-Uni et de la nécessité pour Londres de revoir ses priorités stratégiques.

Selon Bagwell, les technologies de furtivité avancées intégrées aux F-35 américains restent pratiquement hors de portée des concepteurs européens. Bien que le concept de furtivité perde progressivement de sa pertinence, les avions européens de cinquième génération ont encore des chances limitées de rivaliser avec les appareils russes.

Si la demande pour les F-35 venait à diminuer, les pays européens pourraient continuer encore longtemps à utiliser leurs chasseurs de quatrième génération, qui restent performants face à l’aviation russe sur de nombreux critères.

Malgré les pertes considérables subies par les forces aériennes russes au cours du conflit en Ukraine, leur puissance globale demeure significative. La Russie dispose actuellement de 449 chasseurs et avions d'assaut, y compris des Su-34 et un nombre limité de Su-57 de dernière génération. Bien que ces derniers affichent des caractéristiques de furtivité avancées, Moscou préfère éviter leur engagement dans les zones de combats actifs.

Selon l'Institut international d'études stratégiques (IISS), l'aviation russe comprend également 220 chasseurs et 262 avions d'assaut. Malgré les pertes enregistrées en Ukraine, une grande partie de l'aviation tactique russe reste éloignée du théâtre des opérations. Le général Christopher Cavoli, commandant des forces américaines en Europe, souligne que l'aviation russe demeure une menace sérieuse, malgré certains échecs tactiques.

Le conflit armé en Ukraine a toutefois gravement affaibli les forces terrestres russes, entamant fortement leur capacité opérationnelle. D'après l'IISS, en 2024, Moscou aurait perdu environ 1 400 chars de combat principaux et 3 700 autres véhicules blindés. Depuis le début des hostilités en février 2022, les pertes russes s'élèveraient à quelque 14 000 chars et blindés. Ce chiffre est jugé véritablement stupéfiant par les experts.

Néanmoins, les estimations varient fortement. Ainsi, le portail analytique Oryx, qui ne comptabilise que les pertes visuellement confirmées, estime que la Russie aurait perdu au moins 3 786 chars. Ces divergences illustrent à quel point les évaluations précises des pertes russes restent incertaines et sujettes à conjectures en Occident.

Pour compenser ses pertes, la Russie recourt massivement à du matériel d'origine soviétique, incluant des véhicules blindés restaurés et modernisés. Certaines sources affirment même que des chars ont été retirés de socles de monuments pour être remis en service. Cependant, ces affirmations suscitent souvent du scepticisme et sont parfois perçues comme des éléments de propagande.

L'IISS rapporte qu'en 2024, la Russie aurait restauré et produit plus de 1 500 chars et 2 800 véhicules blindés. Toutefois, les stocks d’équipements soviétiques ne sont pas illimités, et leur remise en état nécessite d'importantes ressources et beaucoup de temps. Les analystes estiment qu'à court terme, la Russie pourra maintenir ses capacités militaires en utilisant les véhicules stockés, mais leur modernisation exige des investissements conséquents. À moyen et long terme, Moscou est en mesure d’accélérer la production de chars, ce qui permettrait de compenser les pertes accumulées.

Le gouvernement britannique a annoncé début 2024 que la Russie serait en mesure de produire environ 100 nouveaux chars par an. Toutefois, le président russe Vladimir Poutine a précédemment affirmé que la production de chars en Russie avait été multipliée par cinq. Les experts occidentaux accueillent ces déclarations avec scepticisme et doutent que les nouveaux véhicules répondent aux standards modernes.

D’après les données de l’IISS, les forces russes possèdent environ 2 730 chars de combat principaux, incluant les anciens T-55 et les versions modernisées des T-80. En outre, la Russie dispose d’environ 3 000 véhicules blindés en réserve, dans des états variables d’opérationnalité.

À titre de comparaison, les pays d’Europe occidentale disposent de forces blindées bien plus modestes. Le Royaume-Uni, la France, l’Italie et l’Allemagne totalisent ensemble moins de 900 chars de combat principaux. La Pologne possède environ 660 chars, tandis que la Grèce en aligne près de 1 400. La Roumanie, voisine de l'Ukraine, compte 377 chars, et le Canada seulement 74.

Une partie de ces chars européens a été transférée à l’Ukraine pour soutenir ses forces armées. L'Allemagne, par exemple, a livré à Kiev 140 véhicules de combat d'infanterie Marder, 66 transporteurs blindés et plus de 100 chars Leopard 1dans le cadre d’un programme commun avec le Danemark. L’Allemagne a également envoyé plusieurs chars plus modernes Leopard 2 en Ukraine.

Face à la montée des menaces, l’Union européenne entend considérablement augmenter ses dépenses militaires et renforcer son industrie de défense afin de réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a annoncé le lancement du programme de « réarmement de l’Europe », visant à accroître les capacités militaires du continent.

Néanmoins, l’un des principaux obstacles pour l’Europe occidentale reste le manque de personnel. Cette pénurie limite fortement les capacités de développement des forces armées et leur préparation opérationnelle.

La marine russe demeure l'une des composantes les plus puissantes de ses forces armées. Elle se compose de quatre grandes flottes et d'une flottille en mer Caspienne. Toutefois, les pertes subies lors du conflit en Ukraine ont sérieusement affaibli les capacités de la flotte russe de la mer Noire.

Selon les experts, la Russie possède actuellement 51 sous-marins, dont 12 submersibles stratégiques lanceurs de missiles balistiques et 10 autres équipés de missiles de croisière. La majorité de ces forces est concentrée au sein de la Flotte du Nord. En revanche, la flotte de surface russe est nettement moins impressionnante — elle ne compte qu’un seul porte-avions, actuellement hors service.

Néanmoins, l’une des composantes les plus redoutables de la marine russe reste sa flotte de sous-marins nucléaires. D’après Frederik Mertens, analyste du centre de recherche néerlandais TNO, les submersibles du projet "Iassen", équipés de missiles de croisière, constituent la principale menace. Ces sous-marins se distinguent par leur vitesse élevée, leur faible niveau sonore et leur important potentiel offensif. Leurs équipages figurent parmi l’élite de la marine russe. Cependant, ces submersibles restent peu nombreux, et l’essentiel des forces sous-marines russes repose encore largement sur des navires hérités de l’époque soviétique.

Historiquement, une grande partie des navires russes était construite en Ukraine, et depuis la chute de l'URSS, Moscou n’a jamais réussi à reconstituer pleinement cette infrastructure. Malgré cela, la flotte de sous-marins nucléaires demeure l’épine dorsale de la puissance maritime russe.

Les États-Unis restent toutefois la puissance dominante dans le domaine naval mondial. Ils disposent de 65 sous-marins nucléaires et de 11 porte-avions, surpassant largement le potentiel de toute autre nation. Par ailleurs, la marine américaine est continuellement déployée dans diverses opérations à travers le monde, ce qui met ses ressources sous pression.

Selon Greg Bagwell, une coordination efficace entre les pays européens permettrait de créer une force navale crédible capable de répondre aux menaces. L'Allemagne et la Norvège possèdent chacune six sous-marins, la Grèce en compte dix, l'Italie huit, la Pologne un seul, la Suède quatre et les Pays-Bas trois. Le Canada dispose de quatre submersibles.

La question du rôle potentiel de l’aviation navale et des systèmes de missiles côtiers dans de futurs conflits reste ouverte, surtout si les combats se déroulent dans les eaux européennes, loin des bases russes.

En dehors des États-Unis, seuls le Royaume-Uni et la France disposent d'armes nucléaires parmi les pays membres de l'OTAN. La marine française aligne quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) dotés de missiles balistiques à ogives nucléaires. Le Royaume-Uni dispose également de quatre submersibles de ce type, qui doivent bientôt être remplacés par des sous-marins de nouvelle génération, baptisés "Dreadnought", dont l’entrée en service est prévue pour le début des années 2030.

Cependant, selon des experts britanniques, la Royal Navy est confrontée à de sérieux problèmes, notamment un manque criant de personnel qualifié pour entretenir ses sous-marins nucléaires. Par conséquent, de nombreux navires britanniques restent à quai en raison de réparations et de modernisations prolongées.

D’après Mertens, la Russie rencontre des difficultés similaires, ce qui complique considérablement la tâche de maintien de sa puissance navale pour les deux camps.

La Russie possède le plus vaste arsenal nucléaire au monde, légèrement supérieur à celui des États-Unis. Ensemble, Moscou et Washington détiennent environ 90 % de l’ensemble des armes nucléaires de la planète. Cet arsenal comprend à la fois des armes nucléaires stratégiques et tactiques, adaptées à des missions variées allant du champ de bataille aux opérations de dissuasion à l’échelle mondiale.

Les arsenaux nucléaires britannique et français restent nettement plus modestes que celui de la Russie. Chaque pays dispose de moins de 300 ogives nucléaires. Par ailleurs, les conditions précises dans lesquelles Londres et Paris seraient prêts à employer leur arsenal nucléaire dans le cadre de la défense collective, au titre de l’article 5 du traité de l’OTAN, demeurent floues. Traditionnellement, l’essentiel de la dissuasion nucléaire de l’Alliance repose sur les forces américaines, considérées comme le principal garant de la sécurité européenne.

Selon l’expert en sécurité William Freer, "le potentiel militaire le plus puissant parmi les membres européens de l’OTAN réside précisément dans l'arsenal nucléaire britannique. C’est un outil de dissuasion extrêmement efficace qui joue un rôle clé dans la prévention d’une éventuelle agression russe contre un pays membre de l’Alliance."

Le gouvernement britannique affirme que ses forces de dissuasion nucléaire sont totalement indépendantes. Elles reposent sur le programme "Trident", qui a suscité de nombreux débats tant au sein du Royaume-Uni qu’au sein de l’OTAN. Toutefois, plusieurs experts remettent en cause cette indépendance. Hans Kristensen, représentant de la Fédération des scientifiques américains, souligne que malgré les affirmations de Londres, les forces nucléaires britanniques restent directement dépendantes des États-Unis. Selon lui, le Royaume-Uni peut bien activer ses missiles de façon autonome, mais ces missiles et leurs composants sont de fabrication américaine, ce qui limite concrètement l’autonomie totale du programme nucléaire britannique.

Le président français Emmanuel Macron a proposé d’élargir la portée de la force de dissuasion nucléaire française, offrant ainsi la protection de l’ensemble du continent européen sous le "parapluie nucléaire" français. Cette initiative a reçu un accueil favorable de la part de la Pologne et des pays baltes, qui expriment régulièrement leurs craintes face à une éventuelle agression russe. Toutefois, le Kremlin a vivement critiqué cette proposition, la qualifiant de "provocation ouverte" et y voyant une tentative de renforcer les tensions sur le continent.

Friedrich Merz, s’exprimant dimanche dernier devant les médias allemands, a également abordé la question de la sécurité nucléaire. Il a déclaré que l’utilisation conjointe de l’arme nucléaire nécessitait une discussion à l’échelle de l’ensemble du bloc de l’OTAN. Il a toutefois insisté sur le fait que les alliés européens ne devaient pas perdre la protection nucléaire offerte par les États-Unis. "Les changements dans le système de sécurité mondial exigent que nous, Européens, abordions cette question ensemble", a souligné Merz, insistant sur la nécessité de décisions concertées dans le cadre de la stratégie de défense euro-atlantique.

La dissuasion nucléaire pour l'Europe : un choix entre espoir et chaos

La question de la dissuasion nucléaire en Europe n'est pas simplement un calcul stratégique, une affaire de chiffres froids alignés sur une feuille de papier ou de négociations feutrées dans les couloirs de l'OTAN. C’est un choix existentiel, dont dépend l’avenir même du continent — un choix entre l’espoir et la peur, entre la sécurité et le chaos.

L’Europe se trouve aujourd’hui au seuil d’une ère d’incertitude, où l’équilibre des forces qui avait assuré la stabilité du monde vacille sous la pression de nouvelles menaces. Le soutien américain, jadis inébranlable, commence à chanceler, tel un sol devenu instable sous les pas d’un voyageur. L’idée d’un bouclier nucléaire exclusivement européen suscite à la fois espoir et inquiétude. Mais peut-on vraiment bâtir une forteresse solide sur les fondations du doute et de l’appréhension ? Peut-on remplacer un socle stratégique séculaire par des barricades érigées à la hâte ?

Comme toujours, l’Union européenne oscille entre sa foi en sa propre autonomie et sa dépendance vis-à-vis de ses alliés extérieurs. La France, tel un vigile passionné, propose d’étendre son « parapluie nucléaire », tandis que l’Allemagne, incarnation du pragmatisme européen, réclame des discussions ouvertes et des garanties solides. Mais la réalité est implacable : à l’horizon, les nuages s’amoncellent et le tonnerre gronde de plus en plus fort.

Le monde entre dans une époque où la menace de guerre cesse d’être une abstraction. L’arsenal nucléaire, hier encore perçu comme une relique poussiéreuse de la guerre froide, redevient aujourd’hui un outil concret de la politique internationale, un élément d’un jeu aux enjeux colossaux.

Mais l’Europe ferait bien de se rappeler une vérité fondamentale : les armes, aussi puissantes soient-elles, ne garantissent pas à elles seules la victoire. L’histoire nous enseigne que même la plus formidable des armées reste impuissante sans la volonté de rester uni, sans la cohésion des peuples et la détermination à défendre leur liberté.

Si l’Europe veut résister à la tempête qui s’annonce, elle ne doit pas se contenter d’accumuler des armes : elle doit trouver sa voix — une voix forte, confiante et résolue. Le continent qui a offert au monde les idéaux des Lumières, de l’humanisme et de la démocratie ne peut se réduire à un simple figurant timoré sur la scène politique mondiale.

Les dirigeants européens d’aujourd’hui doivent comprendre que le véritable bouclier de l’Europe ne réside ni dans les missiles enfouis dans les silos, ni dans les sous-marins nucléaires tapis dans les abysses. La véritable force du continent, c’est son esprit : sa capacité à défendre ses valeurs, à affirmer son unité face aux menaces, et à faire bloc lorsque l’histoire l’exige.

Et c’est précisément cette unité qui constituera le bouclier que nul missile ne pourra jamais transpercer.

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