TRUMPISME 2.0 : NOUVELLE DONNE OU CHAOS TOTAL ?

Paris / La Gazette
Donald Trump est de retour. Son second mandat est une véritable tornade géopolitique qui laisse aussi bien ses alliés que ses adversaires dans l’expectative. Entre négociations de cessez-le-feu en Ukraine, clashs violents avec Zelensky, guerres commerciales avec le Canada et le Mexique, sans oublier son ingérence totalement imprévisible au Moyen-Orient, D. Trump impose sa propre vision du monde. Fini la diplomatie feutrée, place au pragmatisme brutal du businessman. Mais ce style de gouvernance est-il réellement efficace, ou les États-Unis sont-ils en train de s’enliser dans un chaos diplomatique incontrôlable ?
L’ère Trump 2.0 : Fin du politiquement correct
À peine réinstallé dans le Bureau ovale, le magnat de l’immobilier devenu président a bouleversé la donne. Coupes massives dans l’aide internationale, bras de fer ouvert avec les dirigeants européens, gel de l’assistance militaire à l’Ukraine, et reprise des hostilités commerciales. En clair, Trump agit en mode bulldozer, sans s’embarrasser des conventions diplomatiques accumulées depuis la Guerre froide. Ce qui frappe, c’est son assurance décuplée : contrairement à son premier mandat, où il tâtonnait encore, il semble désormais convaincu d’avoir toutes les cartes en main pour imposer son modèle au monde.
Un remake de l’Amérique impériale ?
Parmi les propositions les plus folles – du moins en apparence – on trouve l’idée d’annexer le Canada (oui, oui, vous avez bien lu), d’accuser la Chine de manipuler le canal de Panama, et de remettre sur la table l’achat du Groenland. Sur le papier, ces annonces ressemblent à du pur spectacle trumpien, mais elles en disent long sur son ambition : renforcer l’hégémonie américaine sur l’Occident en mode rouleau compresseur. Résultat ? Une multiplication des tensions avec les partenaires traditionnels, notamment le Mexique, qui se retrouve sous une avalanche de nouvelles taxes douanières sous prétexte de freiner l’immigration clandestine.
Le plus frappant dans ce second mandat, c’est que Trump ne se sent plus contraint par l’appareil bureaucratique qui l’avait souvent freiné en 2017. Cette fois, il s’est entouré d’une équipe 100 % trumpienne, purgeant son administration de tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un frein à ses ambitions. Et l’ombre de Steve Bannon plane toujours sur la Maison-Blanche, insufflant à cette nouvelle phase du trumpisme une dimension encore plus nationaliste et populiste.
L’Amérique face au monde : bras de fer ou nouvelles alliances ?
On se souvient des Accords d'Abraham, l’un des rares succès diplomatiques du premier mandat de Trump. Mais au-delà de cette percée au Moyen-Orient, sa politique étrangère avait accumulé les échecs : dialogue de sourds avec Kim Jong-un, fiasco sur l’Iran, et une guerre commerciale avec la Chine qui a laissé des séquelles durables sur l’économie américaine.
Cette fois, pas de place pour les demi-mesures. Trump adopte une approche encore plus radicale : retrait des engagements de sécurité en Europe, pression maximale sur Pékin, et surtout, un mépris assumé pour les engagements internationaux. Fini le rôle du gendarme du monde, Washington ne veut plus jouer les baby-sitters pour l’OTAN.
Son secrétaire d’État, Marco Rubio, ne mâche pas ses mots : « L’Amérique ne peut plus tout assumer seule. » Une déclaration qui envoie des sueurs froides aux Européens, car si Trump pousse les alliés de l’OTAN à se défendre par eux-mêmes, cela signifie surtout une plus grande vulnérabilité des pays frontaliers de la Russie.
Vers un OTAN à deux vitesses ?
Le clivage entre les États-Unis et leurs partenaires européens devient de plus en plus criant. Trump met sur la table une réforme explosive : rendre la clause de défense mutuelle (article 5) conditionnelle aux dépenses militaires de chaque État membre. Autrement dit, si un pays ne met pas assez d’argent dans la défense, il ne peut plus compter sur la protection américaine. Un scénario catastrophe pour les pays baltes et l’Europe de l’Est, qui se retrouvent en première ligne face à Moscou.
Retrait américain ou redéploiement stratégique ?
Mais Trump veut-il vraiment isoler les États-Unis ou simplement redéfinir leur leadership ? D’un côté, il réduit l’implication militaire en Europe et en Asie, créant un vide que Pékin et Moscou n’hésiteront pas à exploiter. De l’autre, il renforce l’emprise américaine en Amérique latine, avec une présence économique et militaire accrue.
Le problème, c’est que cette stratégie semble davantage fondée sur des coups de poker que sur une réelle vision à long terme. Si Washington abandonne le terrain européen et asiatique, il ne faut pas s’étonner de voir la Chine s’affirmer en Indo-Pacifique et la Russie en Europe de l’Est.
L’Ukraine : un pion dans le jeu trumpien ?
L’un des coups de théâtre majeurs de ce second mandat est la décision de Trump d’ouvrir des négociations directes avec Moscou sur l’Ukraine… sans même inclure Kiev dans l’équation. Un camouflet pour Zelensky, qui se retrouve marginalisé dans un processus censé décider de l’avenir de son pays.
Trump ne fait pas dans la dentelle : il considère l’Ukraine comme un dossier parmi d’autres, une monnaie d’échange dans son bras de fer avec la Russie. Pour lui, cette guerre n’est qu’un héritage toxique laissé par Biden et les Démocrates, et si la paix peut être signée en sacrifiant quelques intérêts ukrainiens, il n’hésitera pas une seconde.
Sa logique est purement transactionnelle : s’il peut obtenir un accord avec Poutine qui serve ses intérêts électoraux et renforce son image de faiseur de deals, alors pourquoi s’en priver ? Peu importe que l’Ukraine se sente trahie, l’important pour Trump, c’est d’avoir un trophée diplomatique à brandir devant ses électeurs.
Un chaos organisé ou la fin d’une époque ?
Au final, que nous dit ce Trumpisme 2.0 ? Que les États-Unis ne veulent plus jouer le jeu du multilatéralisme traditionnel. Que la diplomatie à la papa, faite de compromis et de patience, est révolue. Que le monde doit s’habituer à un leadership américain imprévisible, basé sur la force brute et le chantage économique.
Ce pari est risqué : il pourrait soit renforcer la domination américaine en redéfinissant totalement les règles du jeu, soit précipiter son déclin en créant un vide que Pékin et Moscou seront ravis de combler.
Une chose est sûre : avec Trump aux commandes, l’ordre mondial n’a pas fini de trembler.
Zelensky, un «dictateur» ? Jeu de pression et poker diplomatique
Quand Trump balance que Zelensky se comporte comme un dictateur et qu’il est responsable de l’escalade du conflit, ce n’est pas juste une punchline de plus. Derrière cette rhétorique agressive, il y a une stratégie bien huilée : instaurer une atmosphère de chaos et d’incertitude pour affaiblir Kiev et le pousser à faire des concessions.
L’un des objectifs possibles ? Mettre la main sur les métaux rares ukrainiens, absolument cruciaux pour l’industrie américaine. Trump ne s’embarrasse pas des détails, ce qui compte pour lui, c’est de créer l’illusion que son administration peut négocier des deals plus avantageux que celle de Biden.
La même méthode s’applique à l’OTAN. Trump et ses conseillers ressassent leur rengaine : les Américains ont trop longtemps « nourri » l’Europe, et il est temps de revoir les règles du jeu. Bruxelles panique, car si Washington réoriente sa politique vers l’Indo-Pacifique, l’Europe se retrouve seule face aux menaces russes.
Et la Russie dans tout ça ? Là, Trump reste insaisissable. D’un côté, il envisage d’assouplir certaines sanctions pour détacher Moscou de Pékin – un vrai cauchemar pour les stratèges américains qui redoutent une alliance russo-chinoise durable. De l’autre, il agite la menace d’un effondrement des prix du pétrole pour frapper directement le budget russe. Tout dépendra du rapport de force dans les négociations : si le Kremlin joue trop dur, Trump pourra retourner la situation en le pointant du doigt comme responsable de l’échec diplomatique.
Moyen-Orient : Gaza, la nouvelle « Riviera » ?
Trump a surpris tout le monde avec une idée complètement surréaliste : transformer Gaza en « Riviera du Moyen-Orient ». Délire total ou génie du deal ? À première vue, ça ressemble à un de ces coups médiatiques dont il a le secret : balancer une déclaration choc pour influencer la dynamique des négociations.
L’homme d’affaires en lui voit Gaza comme un projet immobilier grandeur nature : raser, reconstruire, attirer des investisseurs, puis revendiquer un succès monumental. Mais sa proposition de relocaliser les Palestiniens a déclenché une tempête diplomatique. Comme pour l’Ukraine, il ne cherche pas à résoudre la crise, mais à en prendre le contrôle narratif.
Guerres commerciales : bras de fer ou fiasco économique ?
Le protectionnisme est l’un des piliers du trumpisme. Après s’être attaqué à la Chine lors de son premier mandat, il relance ses offensives tarifaires contre le Canada et le Mexique, officiellement pour lutter contre l’immigration illégale et la drogue. Mais en réalité, c’est une tentative de réduire le déficit commercial américain en mode bulldozer.
Son approche est simple : si l’Amérique « perd de l’argent », c’est que la transaction est mauvaise. Peu importe que les économistes (y compris les Nobel) dénoncent cette vision simpliste, Trump reste fidèle à sa logique de dealmaker. Le risque ? Une inflation galopante qui toucherait de plein fouet les classes moyennes américaines, son cœur électoral. Mais renoncer à une guerre commerciale serait admettre une erreur, et ça, Trump ne sait pas faire.
Trumpisme 2.0 : stratégie ou chaos organisé ?
Le second mandat de Trump ne fait que confirmer une chose : il ne voit toujours pas la politique étrangère comme un système complexe à gérer, mais comme une série de transactions où il faut maximiser les gains immédiats. Sa méthode repose sur une imprévisibilité totale, créant des crises pour mieux s’imposer en négociateur providentiel.
Mais ce style a un coût. Son rejet des conventions diplomatiques risque d’affaiblir la position des États-Unis à long terme. Moins de confiance des alliés, plus d’instabilité économique, et une absence de cap clair qui pourrait profiter à ses rivaux.
La question est donc simple : le chaos qu’il crée est-il une stratégie délibérée ou le résultat de décisions impulsives ? Dans les mois à venir, le monde aura sa réponse – et les conséquences risquent d’être spectaculaires.
Annexion du Canada : une vraie menace ou du pur bluff ?
Quand Trump a lâché, devant un Justin Trudeau médusé, que les États-Unis pourraient annexer le Canada, tout le monde a cru à une blague de mauvais goût. Sauf que, connaissant le personnage, aucune déclaration n’est anodine.
Derrière cette provoc’ se cache un message clair : rappeler à Ottawa qu’il dépend économiquement de Washington. Trudeau peut bien s’indigner, il sait très bien que son pays est dans une position de vulnérabilité face aux États-Unis.
Et puis, c’est aussi un outil de négociation : en agitant cette menace absurde, Trump pousse le Canada à accepter des compromis commerciaux plus avantageux pour les Américains.
Mais soyons sérieux : l’annexion du Canada n’a aucune chance d’aboutir. Politiquement, ce serait un désastre pour les Républicains, car cela ajouterait des millions de nouveaux électeurs… majoritairement pro-démocrates ! Conclusion ? C’est du pur Trump : une déclaration-choc pour déstabiliser, faire monter les enchères et s’assurer une position dominante dans les négociations.
Trump 2.0, c’est donc toujours la même recette : bousculer, provoquer, négocier sur fond de chaos. Sauf que cette fois, il a l’expérience en plus – et ça pourrait bien faire toute la différence.
La Chine : où est passé l’ennemi numéro un de Trump ?
Alors que Trump multiplie les déclarations fracassantes sur l’Ukraine, l’Europe et ses guerres commerciales, un silence frappant entoure son discours sur la Chine. Lors de son discours inaugural, Pékin n’a été mentionné qu’une seule fois – et encore, dans le cadre d’une attaque confuse sur le canal de Panama, que Trump accuse à tort d’être sous contrôle chinois.
Un contraste saisissant avec son premier mandat, où il faisait de l’antagonisme sino-américain une ligne rouge de sa politique. À l’époque, il dénonçait sans relâche le « sabotage économique » chinois, le vol technologique et l’espionnage industriel. Mais depuis sa victoire en 2024, les choses ont changé.
D’abord, Trump n’a plus besoin de jouer le jeu de l’unité partisane. Désormais, le Parti républicain est devenu la « Trump Party », lui offrant une liberté totale pour redéfinir sa stratégie. Contrairement à son premier mandat, où il surfait sur les tensions anti-chinoises pour rassembler sa base, il peut aujourd’hui explorer des opportunités de deals avec Pékin sans crainte de se voir contredit par son propre camp.
Ensuite, sa rhétorique a évolué. Il ne cherche plus à diaboliser la Chine comme ennemi extérieur, mais se focalise sur un adversaire interne : les démocrates, les élites libérales et les médias américains. Pour Trump, la véritable menace ne vient plus de l’étranger, mais de l’intérieur. Une évolution qui pourrait transformer les relations sino-américaines, les rendant moins idéologiques et plus pragmatiques, même si la rivalité économique et technologique demeure.
La fin de la mondialisation ? Un nouvel ordre économique
Mais la politique de Trump n’est qu’un symptôme d’un phénomène plus large : la mutation de l’économie mondiale. Même sans lui, la globalisation telle qu’on l’a connue aurait déjà commencé à s’effriter.
Pendant des décennies, le dogme était l’intégration économique totale : accords de libre-échange, suppression des barrières commerciales, chaînes de production mondialisées. Mais les crises récentes – pandémie de COVID-19, guerre en Ukraine, tensions sino-américaines – ont révélé les limites de cette interconnexion. La sécurité économique passe désormais avant l’ouverture des marchés.
Les États se replient sur eux-mêmes, cherchent à relocaliser leur production et renforcent leur souveraineté industrielle. Le protectionnisme de Trump n’est donc pas une anomalie, mais une tendance mondiale.
Les États-Unis, l’UE, la Chine et d’autres puissances réorganisent leurs économies sur une base plus nationale et régionale. La mondialisation est remplacée par une logique de blocs : chacun cherche à réduire sa dépendance aux autres et à privilégier son marché intérieur.
Quel monde sous Trump 2.0 ?
Trump n’est pas l’architecte de ce nouveau monde, mais son style erratique en accélère la transition. Son approche – qu’il s’agisse de menacer le Canada, de déclencher des guerres commerciales ou de jouer au marchand de tapis avec la Chine – pousse la planète vers un modèle où les États agissent en solo, les alliances deviennent plus fragiles et les institutions internationales perdent en influence.
S’il y a une chose dont on peut être sûr, c’est que l’ère où les États-Unis dictaient les règles sans contestation est révolue. Désormais, Washington traite ses relations internationales comme une série de deals impitoyables, où chaque nation doit se battre pour son propre intérêt.
La question est donc de savoir si Trump peut proposer une alternative durable à l’ancien ordre mondial ou si sa diplomatie chaotique ne fera qu’aggraver l’instabilité globale. Une chose est certaine : l’époque de la prévisibilité est terminée.