UN CONCERT À PARIS EN HOMMAGE AUX VICTIMES, IL Y A 31 ANS, DU MASSACRE DE KHODJALY
Paris / La Gazette
Dans la nuit du 25 au 26 février 1992, la ville de Khodjaly fut la cible du plus terrible massacre de la première guerre arméno-azerbaïdjanaise du Karabakh. La tragédie de Khodjaly a coûté la vie à des centaines d'Azerbaïdjanais innocents.
Ce vendredi 24 février, le service culturel de l'ambassade de la République d'Azerbaïdjan à Paris offrait, en présence de nombreuses personnalités, un concert en mémoire des des victimes de ce qui fut considéré comme un "massacre pour l'exemple", et qui fut comparé, par la presse d'alors, à celui d'Oradour-sur Glane. C’était Il y a 31 ans, jour pour jour.
La tragédie de Khodjaly
Avec une population de 7000 habitants avant le conflit, Khodjaly était la deuxième ville du Karabakh. Elle possédait le seul aéroport de la région, ce qui en faisait une zone stratégique. En février de 1992 la situation était particulièrement critique. Encerclée par les troupes arméniennes qui étaient en train d'envahir le Karabakh, La ville était en état de siège depuis octobre 1991. Les télécommunications, l'électricité, l'eau étaient coupées depuis janvier 1992. La population manquait de nourriture. Les routes reliant Khodjaly au reste du pays étaient bloquées par les forces ennemies. L'hélicoptère restait le seul moyen de transport pour accéder à la ville, mais les appareils étaient systématiquement pris pour cible par les tirs arméniens. La seule option pour la population de Khodjaly était de fuir la ville à pied par les montagnes, un trajet dangereux, les habitants de Khodjaly étant alors extrêmement vulnérables.
L'assaut fut donné le 25 février et les Arméniens annocèrent aux habitants que s'ils se rendaient ils pourraient évacuer la ville en sécurité. Les habitants restés dans la ville jusqu'à cette nuit tragique - approximativement 2500 à 3000 personnes - furent obligés de quitter leurs maisons dans l'espoir de chercher le refuge dans une des localités du voisinage. Mais ils découvrirent vite qu'il ne s'agissait que d'un atroce mensonge. Dans la nuit du 25 au 26 février la ville de Khodjaly fut prise avec l'aide du régiment de troupes d'infanterie n°366 de l'ex-URSS, composé principalement des militaires Arméniens. Les assaillants détruisirent Khojaly en se livrant à un véritable carnage sur une population pacifique.
613 innocents, dont 106 femmes, 63 enfants et 70 vieillards ont perdu la vies au cours de ce massacre, auxquels il faut ajouter quelques centaines de blessés. 8 familles ont été complètement exterminées, 25 enfants ont perdu leurs deux parents et 130 l'un d'entre eux. 56 personnes ont été tuées dans des conditions particulièrement atroces : scalpées et décapitées, brulées vives, yeux crevés. Des corps ont été mutilés. On retrouva même les corps des femmes enceintes qui avaient reçu des coups de baïonnette dans le ventre.
1 275 personnes furent prises en otage. On ne ignore jusqu'à nos jours le sort de 150 personnes. Les habitants blessés qui avaient pu échapper aux tirs furent obligés de traverser les montagnes à pied et beaucoup d’entre eux moururent de froid.
Un documentaire intitulé « Ils ne grandiront jamais », consacré aux enfants de Khodjaly raconte l'histoire de ceux qui ont pu survivre à ce massacre.
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Khodjaly est l’une des épisodes les plus tragiques du XX siècle. Le massacre a aussitôt fait l'objet d'une importante couverture médiatique internationale. De nombreux journalistes et photographes du monde entier ont immortalisé l'horreur de ce véritable génocide : le New York Times, le magazine TIME, The Independent , Le Monde; et bien d'autres ont couvert la tragédie. En particulier, les images tournées par le journaliste azerbaïdjanais Chingiz Mustafayev et les clichés du célèbre photographe Reza sont parmi les témoignages les plus inoubliables du massacre de Khodjaly.
Mais les médias occidentaux ont rapidement tourné leur attention vers d'autres zones de conflit de l'époque, notamment vers les Balkans.
Justice pour Khodjaly
Le massacre de Khodjaly est à dénoncer au titre du droit international. Il est une violation flagrante du droit international et humanitaire, notamment des conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels, ainsi que la Déclaration des Droits de l’Homme de l’ONU de 1948, et de la Déclaration des Nations unies sur la protection des femmes et des enfants en période d'urgence et de conflit armé.
Pourtant, le monde est resté sans réaction lorsque le cerveau de ce massacre, Serge Sargsian, est devenu président de la République d'Arménie. Dans son livre Black Garden, le journaliste britannique Thomas de Waal raconte que l'ancien président lui a déclaré : "Avant Khodjaly, les Azerbaïdjanais pensaient que on plaisantait et que les Arméniens étaient des gens qui ne lèveraient pas la main contre la population civile. Nous avons pu briser ce cliché".
Les hommes et les femmes politiques et les chef d'Etat occidentaux ont mis beaucoup de temps à condamner cet événement atroce.
Ainsi que l'a rappelé S.E. Leyla Abdullayeva, ambassadrice de l'Azerbaïdjan en France, lors de la soirée :
"Nous ne pouvons laisser les victimes innocentes tomber dans l’oubli ! Khosjaly a marqué l’esprit de tous les azerbaïdjanais. Mais, Khojaly est aussi une voix qui doit être écouté à travers le monde. C’est la raison pour laquelle la campagne internationale Justice pour Khojalya été lancée le 8 mai 2008 par Mme Leyla Aliyeva, vice-présidente de la Fondation Heydar Aliyev.
Grâce à cette campagne le massacre de Khojaly est officiellement reconnu par les parlements de 17 pays, les 24 Etats américains et 2 organisations internationales.
J'ose espérer qu'un jour les autorités françaises également s'exprimeront sur ce massacre de la population civile.
C’est notre devoir de mémoire. Il faut incessamment expliquer et rappeler le passé parce que ceux qui l'oublient sont condamnés à le revivre."
Madame Abdullayeva conclut : "Le pardon ne pourra être trouvé sans que justice ne soit rendue, et sans la reconnaissance par la communauté internationale de cette réalité.
Nous demandons la justice, pas la vengeance !"
Un concert pour ne pas oublier
En ouverture du concert, en présence, notamment, de Jean Perrin, qui fut le premier ambassadeur de France en AzerbaÏdjan, de 1992 à 1996, plusieurs personnalités ont tenu à s'exprimer à propos de la tragédie de Khodjaly. Après Madame l'ambassadrice, le représentant permanent de l'Azerbaïdjan auprès de l'UNESCO, Elman Abdullayev, et Soltan Mammadov, député au parlement de Bakou, et responsable des relations inter-parlementaires France-Azerbaïdjan, ont rappelé ce que représentait Khodjaly dans la mémoire du peuple azerbaïdjanais et appelaient à ce que la France prennent la mesure de ce qui s'est réellement passé et ce qui se déroule en ce moment dans cette région du monde.
Le compositeur Pierre Thilloy, dont l'oeuvre « Khojaly 613 » , une pièce pour violon solo, clarinette et quatuor à cordes, sera jouée en conclusion du concert, explique les raisons de la création de cette œuvre qui exprime le chagrin de ses amis azerbaïdjanais et dont l'intention est d'attirer l’opinion publique internationale sur un fait qui résonne dans l’histoire contemporaine de manière d’autant plus brutale qu’elle provoque, dans cette même opinion internationale, un silence assourdissant.
Ensuite, les oeuvres des compositeurs azerbaïdjanais et internationaux Enrique Granados, Fikret Amirov, Khayyam Mirzazade, Gara Garayev, Jafar Jabbarly et Afrasiyab Badalbeyli, Samuel Barber, et enfin Pierre Thilloy, ont été interprétés par de jeunes artistes particulièrement talentueux.
L'évocation par la musique de la tragédie de Khodaly a également un sens : celui d'affirmer que la guerre est désormais terminée, et qu'après le temps des afrontements nous sommes entrés dans un autre temps, celui de la construction de la paix, de la réconciliation et de la reconstruction de la région.
Photos du film : Reza (https://reza.photo/)