CHOUCHA-LATCHINE : QUAND LES BORNES SONT DÉPASSÉES, IL N’Y A PLUS DE LIMITES
Paris / La Gazette
Une manifestation pacifique contre le "terrorisme écologique" arménien bloque la route Choucha-Latchine. La fachosphère française exulte.
Par Jean-Michel Brun
« Entendez-vous dans nos campagnes mugir ces féroces soldats… »
La droite française s’en donne à coeur-joie, à commencer par Valérie Boyer, celle-là même qui assimilait le port du foulard à une allégeance à l’État Islamique, et Renaud Muselier qui, après avoir courtisé l’électorat musulman, puis assimilé les sort des Arméniens à celui de leurs ennemis de toujours, les Kurdes, se fait maintenant le VRP des séparatistes arméniens du Karabakh.
“En Artsakh, terre arménienne, l’armée azerbaïdjanaise mène depuis ce matin un blocus qui coupe le Haut-Karabakh de l’Arménie. Face à cette inacceptable violation de l’accord de cessez-le-feu, alors que 120.000 Arméniens sont ainsi en danger de mort, il faut réagir !” twitte rageusement Renaud Muselier.
Pourquoi d’ailleurs aurait-on besoin de questionner Pachinyan ou Poutine, puisque Muselier en a décidé ainsi : le Haut-Karabkh est une terre arménienne ?
“Je demande à la communauté internationale de condamner fermement le blocus des azéris en Artsakh. En l’absence de sanctions, l’Azerbaïdjan n’a plus aucune limite !” vocifère à son tour Valérie Boyer. En fait de limite, il semble bien que ce soit la sénatrice qui ait dépassé le bornes.
Que s’est-il donc passé pour mobiliser ainsi la fachosphère française ?
Depuis le 12 décembre, des militants écologistes azerbaïdjanais représentant des organisations non gouvernementales manifestent sur la route Latchine-Choucha, pour protester contre l'exploitation illégale des ressources naturelles dans les territoires azerbaïdjanais, où le contingent russe de maintien de la paix est temporairement déployé.
Oui, ces féroces soldats qui bloquent la route ne sont pas armés.
Pourquoi ?
Un environnement menacé
En 2020, l’Azerbaïdjan libérait le Karabakh et les provinces environnante de 30 ans d’occupation. Tout le Karabakh ? Non. Afin de maintenir une présence en Azerbaïdjan pour ne pas perdre son influence dans la région, la Russie a décidé de faire de la ville de Khankendi, rebaptisée Stepanakert par les Arméniens, du nom d’un héros bolchévique, une sorte d’enclave arménienne, protégée par l’armée russe. Les forces russes ont promis - promis seulement - d’évacuer la zone en 2025. A ce moment en effet, suite à la déclaration trilatérale du 10 novembre 2020, signée par les dirigeants azerbaïdjanais, arménien et russe après la deuxième guerre du Karabakh, la ville redeviendra azerbaïdjanaise, et les Arméniens auront le choix entre rester des citoyens azerbaïdjanais, ou partir en Arménie.
Mais les occupants de la zone en ont profité pour déclarer celle-ci terre arménienne, et créer une « République d’Artsakh », reconnue d’eux seuls. Ils ont également mis à profit la situation pour intensifier, illégalement, puisque le sol appartient, en regard de la législation internationale, à l’Azerbaïdjan, l’exploitation des mines de cuivre et de molybdène, et des gisement d’or. Cette exploitation se fait sans qu’aucune précaution ne soit prise sur l’environnement, et notamment sur les nappes phréatiques et les cours d’eau, puisque les exploitants savent qu’ils devront un jour ou l’autre quitter les lieux. « Après moi, le déluge »…
La sauvegarde de l’environnement, déjà sérieusement mis à mal durant les 30 ans d’occupation, est l’une des priorités de la reconstruction des territoires saccagés.
C’est pourquoi, des militants provenant de différentes régions azerbaïdjanaises ont rejoint les manifestants locaux qui se sont rassemblés autour du poste temporaire des casques bleus russes. Ce qu’ils demandent : la cessation du pillage des ressources naturelles de l’Azerbaïdjan, ainsi que la présence du major-général Andreï Volkov, commandant du contingent russe de maintien de la paix.
En effet, à la suite des entretiens avec le commandement des casques bleus russes les 3 et 7 décembre 2022, un groupe d'experts du ministère de l'Écologie et des Ressources naturelles d'Azerbaïdjan devait entamer, à partir du 10 décembre 2022, une inspection de l'état de l'environnement dans le gisement d'or de « Gizilbulagh » et le gisement de cuivre-molybdène de « Damirli », surveiller diverses zones, organiser les registres cadastraux des propriétés, évaluer les risques et menaces potentiels pour l'environnement, ainsi que pour les sources d'eau souterraines et de surface.
Cependant, à l'arrivée du groupe dans la zone de surveillance, les activistes arméniens ont, sous le regard indifférent des soldats de la paix russes, tenté d’empêcher le déroulement de l’inspection.
Ce n’est donc pas sans raison que les militants arméniens parlent de “terreur écologique” dans la région.
Mais pour les politiciens de la droite pro-arménienne française, quelle importance que les Arméniens polluent le terre, les lacs et les rivières, détruisent les forêts, piègent la terre de centaines de milliers de mines puisque, selon eux, elle leur appartient ?
Quand les bornes sont dépassées, il n’y a plus de limite.