AZERBAÏDJAN-ARMÉNIE : PACHINYAN EXIGE LA PRÉSENCE DE MACRON À LA PROCHAINE RÉUNION À BRUXELLES. ALIYEV ANNULE.
Paris / La Gazette
La rencontre entre le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev et le Premier ministre arménien Nikol Pachinyan, prévue à Bruxelles le 7 décembre, n'aura pas lieu, a déclaré le dirigeant azerbaïdjanais.
Suite à la réunion à Prague du 7 octobre 2022, avec Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Charles Michel, en marge du premier sommet de la Communauté politique européenne, et celle du 31 octobre à Sotchi avec Vladimir Poutine, Ilham Aliyev, Président de la république d’Azerbaïdjan et Nikol Pachinyan, premier ministre de la République d’Arménie, avaient promis de se retrouver régulièrement afin de mettre en place une paix durable entre les deux pays et notamment de résoudre le délicat problème des frontières.
À Prague, ils déclaraient, dans une déclaration conjointe : « l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont confirmé leur attachement à la Charte des Nations unies et à la déclaration d'Alma Ata de 1991, par laquelle ils reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté »,
Une bonne nouvelle, à la fois pour l’Azerbaïdjan qui voit ainsi se refermer la porte d’une période douloureuse où près de 20% de son territoire avait été occupé, et pour l’Arménie, qui a enfin l’opportunité de rétablir des relations politiques et économiques normales avec ses voisins, et d’offrir à son peuple une prospérité freinée par ces années de conflit.
Bakou et Erevan se sont en effet affrontés à deux reprises, en 2020 et dans les années 1990, à propos de la souveraineté du Haut-Karabakh, une enclave en Azerbaïdjan.
La guerre de 2020, qui a duré six semaines, a coûté la vie à plus de 6500 soldats des deux camps et s'est terminée par un cessez-le-feu négocié par la Russie. L'Arménie a restitué des pans de territoire qu'elle occupait depuis des décennies et Moscou a déployé quelque 2000 soldats russes pour veiller sur cette fragile trêve.
Le mois dernier, au moins 286 personnes ont été tuées des deux côtés avant qu'une trêve négociée par les États-Unis ne mette fin aux pires affrontements depuis la guerre de 2020 entre les voisins du Caucase.
Les combats sont liés à plusieurs décennies d'hostilités au sujet du Karabakh, une enclave en territoire azerbaïdjanais internationalement reconnue comme faisant partie de l'Azerbaïdjan.
Seulement, si Nikol Pachinyan semble avoir compris l’intérêt que présente, pour son pays, d’un Caucase, stable et pacifié, il n’en est pas de même pour les militants ultra nationalistes, pour lesquels la paix représente l’abandon de leur rêves impériaux, et qui exercent une lourde pression sur le gouvernement, encouragés en cela par une diaspora qui pousse, sans risque, ses compatriotes au combat. Ce n’est non plus le cas de la Russie, qui conserve en Azerbaïdjan, grâce au statut, provisoire, de Khankendi, une présence qu’elle ne se sent pas tout à fait prête à abandonner.
Dans ces conditions, il semblait que la volonté de Pachinyan de poursuivre le dialogue avec Aliyev était un véritable acte de courage.
Mais voilà…
Hikmet Hajiyev, assistant du Président Aliyev vient d’annoncer qu’il avait été contacté par le bureau du chef du Conseil de l'UE Charles Michel, qui a déclaré que M. Pachinyan avait accepté la réunion prévue le 7 décembre à Bruxelles à la seule condition que le président français Emmanuel Macron y assiste !
Pourquoi exiger ainsi la présence du co-président du feu groupe de Minsk qui, en prenant délibérément, et sans nuance, la parti des nationalistes arméniens, a perdu toute légitimité en tant qu’arbitre ?
Peut-être précisément à cause de cela. Pour Pachinyan, affaibli par sa défaite sur le terrain, la présence d’un soutien inconditionnel comme Emmanuel Macron est une manière de se sentir plus fort, à deux contre un, en quelque sorte.
Le premier ministre arménien devrait pourtant se méfier.
Il n’est en effet pas si sûr que l’appui du président français soir-t aussi sincère que cela. Bien sûr, Emmanuel Macron avait tenu à assister au dîner annuel du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), dont il faut tout de même rappelé que son co-président, Mourad Papazian, a été refoulé à l’entrée en Arménie. Bien sûr, il a affirmé, au cours de ce dîner que « la France serait toujours du côté de l’Arménie »
Mais si la question arménienne est si présente en France, si elle s’est invitée dès la campagne présidentielle, si Éric Zemmour, Valérie Pécresse se sont rendus à Erevan ce n’est pas pour une autre raison que celle d’espérer attirer les voix des 700 ou 800 000 arméniens qui vivent en France. C’est aussi pour conforter leur image de défenseurs d’« une nation chrétienne au milieu d’un océan islamique » selon les termes d’Eric Zemmour. Cela explique aussi le ralliement à l’Arménie d’Emmanuel Macron qui a décidé de pêcher dans les mêmes eaux que la droite « Républicaine » : celles de l’extrême droite.
Or rien n’est plus volatile que les éphémères alliances électorales, et les promesses présidentielles.
Pour Ilham Aliyev, cette exigence de Pachinyan est naturellement inacceptable. « Cela signifie que la réunion n'aura pas lieu », a répondu le chef de l'Etat azerbaïdjanais ce 25 novemebre lors de l'ouverture d'une conférence internationale portant sur le thème « Le long du Couloir médian : géopolitique,sécurité et économie » à Bakou.
Et pour cause ! Emmanuel Macron n’a cessé de multiplier les déclarations publiques contre l’Azerbaïdjan, comme ce 9 octobre où il déclarait à la télévision française à propos de la 2e guerre du Karabakh, que "l'Azerbaïdjan a lancé une guerre terrible, avec de nombreux morts [et] des scènes atroces ». Une véritable insulte selon de chef d’État azerbaïdjanais, qui déclarait aussi tôt : que « l'Azerbaïdjan est contraint de reconsidérer les efforts de la France » dans le processus de paix.
Nikol Pachinyan ne pouvait ignorer ce que serait la réaction azerbaïdjanaise, et savait que l’annulation d’une rencontre bilatérale ne pouvait que plaire à la Russie, son alliée de toujours, y compris dans la guerre contre l’Ukraine. La Russie voyait effectivement d’un très mauvais oeil ces négociations qui se faisaient sans elle, à propos d’une région qu’elle considère comme son pré carré, soupçonnant les Occidentaux de vouloir prendre sa place alors qu'elle est accaparée par son invasion de l'Ukraine.
Aussitôt après le discours de Ilham Aliyev, Poutine s’est d’ailleurs proposé pour être l’arbitre de la prochaine rencontre. Une perspective qui ne réjouit guère Emmanuel Macron qui, pointant la paille dans l’oeil de la Russie oubliant la poutre plantée dans le sien, accuse Poutine d'attiser les tensions arméno-azerbaïdjanaises. Même s’il est vrai que le statu quo dans le Haut-Karabakh serait pour lui la situation idéale, ce qui, on s’en doute n’est pas du tout du goût de l’Azerbaïdjan qui compte récupérer l’intégralité de son territoire en 2025.