« LE FIGARO MAGAZINE » OUVRE SES COLONNES AUX EXTRÉMISTES ARMÉNIENS : LE JOURNALISME FRANÇAIS N’EST PLUS CE QU’IL ÉTAIT
Paris / La Gazette
Alors que s’ouvre à Bakou le procès, pour crimes de guerre, des anciens dirigeants de la « république » autoproclamée du Haut-Karabakh, le Figaro Magazine ouvre largement ses colonnes à une déclaration des deux dirigeants du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France, Mourad Papazian et Ara Toranian, qui, ni plus ni moins, « appellent à traduire le président Aliyev devant la Cour pénale internationale. »
Cet article, publié dans un important hebdomadaire français, pose problème à deux niveaux : sur le fond, et sur la forme.
Sur le fond, le texte des deux auteurs reprend, comme ils en ont l’habitude, les termes de la propagande nationaliste arménienne sur le conflit du Karabakh.
« Dans le prolongement des pratiques et des visées à caractère génocidaire à l’encontre des Arméniens de la République du Haut-Karabakh, les autorités azerbaïdjanaises ont annoncé le début des « procès » contre les dirigeants politiques et militaires de l’Artsakh, le 17 janvier, à Bakou. »
Durant le long conflit du Haut-Karabakh, qui dure depuis 1987, date à laquelle les 350 000 Arméniens d’origine azerbaïdjanaise ont été expulsées de leurs maisons afin de laisse la voie libre à la revendication arménienne du le Karabakh, aucun civil arménien n’a été la cible des forces azerbaïdjanaises. Seuls les Azerbaïdjanais ont été victimes de crimes racistes, comme à Khodjaly en 1992, ou lors du bombardement de Ganja en 2020.
Par ailleurs, l’Azerbaïdjan n’a jamais envahi la république d’Arménie à la différence de celle-ci qui a vidé de ses habitants et occupé pendant presque 30 ans une province reconnue par toutes les instances internationales comme territoire azerbaïdjanais, et vidé. Ce sont au total près d’un million d’Azerbaïdjanais qui ont été ainsi chassé de leurs terres depuis 1987. La « République d’Artsakh » n’a été reconnue par personne, y compris l’Arménie elle-même. Enfin, si 100 000 Arméniens ont quitté le Karabakh après la libération de Khandendi, c’est uniquement sur l’ordre des forces occupantes arméniennes. La qualification de la libération – sans violence - de Khankendi en « entreprise de nettoyage ethnique lancée en septembre 2023, ayant entraîné l’exode de 120 000 réfugiés arméniens » prêterait à sourire si ce n’était pas si tragique.
En réalité, accuser son adversaire pour mieux se défendre est un procédé dialectique courant, lorsque le mensonge reste le seul argument face à l’évidence. Ce n’est certainement pas une démarche journalistique. Hélas, le temps des Albert Londres, Kessel, ou Desgraupes est bien révolu. Le journalisme français est devenu un journalisme d’opinion.
Qui sont en effet les auteurs de ce texte, plus proche d’un tract que d’un article ? Frank « Mourad » Papazian appartient à la FRA, la Fédération Révolutionnaire Arménienne (parit Dashnak en Arménie), responsable d’actions violentes dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis. Militant actif de l’arménisation du Haut-Karabakh, il est l’un des lobbyistes arméniens les plus puissants de France. Au travers de ses 38 écoles de journalisme réparties dans toute le pays, il diffuse largement auprès des futurs journalistes le point de vue des séparatistes arméniens. Son récent rachat du Who’s who lui donne également l’opportunité de récompenser, par une présence dans l’emblématique annuaire, ceux qui soutiennent le rattachement du Karabakh à l’Arménie. A ce titre, il apparaît comme l’un des ennemis jurés du premier ministre arménien Nikol Pachinyan qui souhaite renouer des relations normales avec ses voisins, l’Azerbaidjan et la Turquie. Papazian a même organisé une attaque (certes sans brutalité) du convoi de Nikol Pachinyan en visite en France le 1er juin 2021, ce qui lui avait valu une interdiction de séjour en Arménie de deux ans. Après la levée de cette interdiction, Papazian s’est entretenu avec l’opposant religieux Bagrat Serpazan pour renverser le gouvernement arménien.
Jean-Marc « Ara » Toranian fut le dirigeant du Mouvement National Arménien, branche politique de l’ASALA (Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie), responsable de nombreux attentats meurtriers en France, notamment celui en 1983 à l’aéroport d’Orly qui fit de nombreuses victimes. Sa garde à vue, après une manifestation de soutien à l’ASALA, l’amena à prendre ses distances et même à collaborer avec les autorités françaises, ce qui lui permit de se refaire une virginité au point d’être aujourd’hui un proche d’Emmanuel Macron. Son ex-épouse, Valérie, est directrice de la rédaction du magazine Le Point. Son actuel époux, Franz-Olivier Giesbert, a été directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, directeur des rédactions du Figaro, puis directeur du Point, dont il est aujourd’hui éditorialiste.
La collusion entre les éléments les plus extrémistes de la diaspora arménienne en France et la presse pose un véritable problème de déontologie. Jean-Christophe Buisson, rédacteur en chef adjoint chargé de « la culture et de l’art de vivre » du Figaro magazine, a fait de l’hebdomadaire un véritable organe de propagande des thèses nationalistes arméniennes. Proche des milieux d’extrême-droite, il fut un défenseur acharné du nationalisme serbe, et utilise aujourd’hui les colonnes de son journal pour soutenir l’action des séparatistes arméniens. Il a même reçu en 2022 la Médaille de la Reconnaissance de la République d'Arménie.
Que penser de tout cela ? S’attrister de la dégénérescence du journalisme français ou ne pas lui porter plus d’attention qu’elle ne le mérite. Car la bonne nouvelle, c’est que personne ne lit plus cette presse-là. Avec ses 150 000 lecteurs hebdomadaires, le Figaro magazine n’interesse plus beaucoup de gens. A un critique qui lui demandait « Qu’avez-vous pensé de mon papier ? », l’écrivain Henri Jeanson répondit : « Je l’ai parcouru d’un derrière distrait ».
Jean-Michel Brun