VALENCE (FRANCE) : UNE MAIRIE « LES RÉPUBLICAINS » HONORE LA MÉMOIRE D’UN COMMISSAIRE BOLCHÉVIQUE
Paris / La Gazette
Samedi 14 décembre 2024, la ville de Valence a inauguré une rue « Stepanakert » en présence du maire Nicolas Daragon, alors également ministre délégué chargé de la Sécurité du quotidien (démissionnaire du gouvernement Barnier), et d’Hovhannès Guévorkian, annoncé comme le représentant de la République de l’Artsakh en France.
Pourquoi est-ce scandaleux ?
En premier lieu, la République de l’Artsakh n’a jamais eu d’existence que dans l’esprit des activistes arméniens qui se sont emparés de la ville en 1993. Ce nom a en effet été donné par les séparatistes arméniens au Haut-Karabakh, occupé par ces derniers depuis 1993. Cette indépendance n’a été reconnue par aucun pays, y compris l’Arménie. 4 résolutions de l’ONU ont confirmé l’appartenance de la région du Karabakh à l’Azerbaïdjan et ont demandé aux forces arméniennes d’occupation de quitter le territoire azerbaïdjanais. La guerre de 2020 puis l’expulsion des commandos arméniens de Khankendi (nom original de Stepanakert) n’ont été faites qu’en application de ces décisions.
On imagine les hauts cris de l’Elysée si une ville allemande, par exemple, inaugurait une rue « Ripublica Corsa », en hommage aux indépendantistes corses ou une rue de la Kanaky, pour soutenir les indépendantistes calédoniens…
Pour un élu français, appeler une rue par le nom d’une ville d’un pays souverain, illégalement rebaptisé à la suite d’une occupation qui a fait plusieurs dizaines de milliers de victimes, il fallait oser. On aura la charité de ne pas rappeler la réplique de Lino Ventura dans Les tontons flingueurs : « Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ».
Plus étonnant encore, c’est de voir un élu « Les Républicains », un parti dont au connaît le peu d’estime qu’il manifeste à l’égard de la Russie soviétique, mettre à l’honneur une ville qui porte le nom d’un militant bolchévique , l'un serviteurs les plus sanguinaires du parti communiste soviétique. Stepanakert a été ainsi nommée en hommage à Stepan Chahoumian.
Qui était donc ce sympathique personnage ?
Né en 1878, Chahoumian était un révolutionnaire bolchévique d’origine arménienne, idéologue et organisateur de ce qu’on a appelé la « terreur révolutionnaire de masse » qui consistait à supprimer les adversaires de la révolution communiste. Nommé en 1917 par Lénine commissaire extraordinaire pour les affaires du Caucase, il a présidé le gouvernement communiste de Bakou. Serviteur zélé du Parti, il réprima dans le sang, avec l’aide des militants du parti révolutionnaire arménien Dashnak, les velléités d’indépendance des Azerbaïdjanais entre les mois de mars et juillet 1918, afin de garder la région pétrolière de Bakou dans le giron soviétique. « Nous avions déjà des forces armées – environ 6 000 soldats. Le Dashnak avait également environ 3 000 à 4 000 forces nationales puissantes consacrées à notre opération d’élimination. La participation de ces derniers a permis la guerre civile, qii a revêtu, dans une certaine mesure, le caractère d'un massacre ethnique, mais il est impossible de l'éviter » Avouait Chahoumian dans son discours du 3 avril 1918 au Conseil des commissaires populaires de Russie. Un observateur allemand, Kulner, écrivait en 1925 sur les événements de Bakou: «Les Arméniens prenaient d’assaut à des quartiers musulmans (Azerbaïdjanais) et tuaient tous les habitants et les perçaient avec leurs baïonnettes. Quelques jours plus tard, les cadavres de 87 Azerbaïdjanais avaient été déterrés d’une fosse. Les corps éventrés, les nez coupés, les organes génitaux mutilés. Les Arméniens n’avaient eu de pitié ni pour les enfants, ni pour les adultes». 50 000 Azerbaïdjanais furent ainsi massacrés sur l’ordre de Chahoumian. Finalement vaincu par les résistants caucasien, il s’enfuit en bateau en juillet 1918 avant d'être capturé et exécuté, avec d’autres « commissaires du peuples » par les forces anti-bolchéviques en septembre 1918.
Les élus républicains ignoraient peut-être ces faits, ou peut-être ont-ils donné exagérément foi à une réécriture de l’histoire qui présente Chahoumian comme un héros de la liberté. D’ailleurs, c’est, au sein de la droite française, une habitude que de n’entendre que le récit arménien. Le maire de Valence avait lui-même demandé à un conseiller municipal de démissionner pour avoir mis la mention « j’aime » sur un post Facebook qui dénonçait l’assassinat de diplomates turcs par les activistes de l’ASALA, l’Armée Secrète de Libération de l’Arménie, par ailleurs responsable de l’attentat d’Orly en 1983. Nicolas Daragon s’était d’ailleurs rendu à plusieurs reprises dans le Karabakh occupé pour soutenir les séparatistes arméniens. Il faut dire que la communauté arménienne, très nombreuse à Valence, y joue un rôle électoral déterminant. C’est une raison. Sûrement pas une excuse.
Jean-Michel Brun