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LIAISONS DANGEREUSES

27 Juillet 2024 11:45 (UTC+01:00)
LIAISONS DANGEREUSES
LIAISONS DANGEREUSES

Paris / La Gazette

Ce n’est pas sans risque que l’on cajole un aspic. Et lorsqu’on est mordu, il ne sert à rien de s’agiter. Au contraire. Et pourtant, les « attaques » de la France contre l'Azerbaïdjan ressemblent aujourd'hui à cette vaine agitation par laquelle s’exprime son désarroi face à une situation qu’elle ne maîtrise plus.

Prenons le soutien que l'Azerbaïdjan apporte au mouvement anticolonial dans les « territoires d'outre-mer » français. Si la France s’insurge contre le « Groupe d’initiative de Bakou », ce n’est pas seulement parce qu’elle considère la démarche comme inamicale. En réalité, elle a parfaitement conscience que la situation est bien plus grave qu’il n’y paraît. En fait, le « modèle français » est en train de s'effondrer. Et les révoltes dans les colonies n’en sont que l’un des symptômes. La défaite écrasante du parti au pouvoir aux élections européennes, puis aux élections législatives, la dangereuse montée en popularité des ultranationalistes dirigés par Marine Le Pen, la dégradation des services publics, des services de renseignement et de la police — tout cela se conjugue en un seul nœud, que les autorités françaises ne parviennent ni à démêler ni à trancher.

Concernant l’attitude de la France à l’égard de la situation dans le Caucase du sud, en cajolant les nationalistes arméniens du parti « Dashnaktsoutioun », celle-ci s’est engagée dans une liaison dangereuse, car historiquement, s’allier à des terroristes a toujours conduit toujours à l'effondrement de l'État.
Mourad Papazian, le leader des Dashnaks français, est aujourd’hui une figure influente à Paris. À travers ses rencontres fréquentes et régulières avec président Emmanuel Macron, il exerce une influence majeure sur le Palais de l'Élysée dont il guide la politique en faveur des séparatistes arméniens. Pourtant, ce parti, qui considérait et considère toujours le terrorisme comme une méthode de lutte acceptable, a été utilisé depuis la fin du XIXe siècle comme un instrument de déstabilisation des pays où vivaient des Arméniens. Et le fait que les Arméniens vivant dans ces pays étaient choyés et prospères n'y a rien changé.

En Turquie par exemple, jusqu’à la fin du XIXe siècle, les Arméniens bénéficiaient d’un traitement privilégié, et occupaient des postes de responsabilité. La tradition de tolérance religieuse de l'Empire ottoman leur permettait d'avoir leurs églises, leurs écoles, leurs patriarcats, de publier des journaux. Les hommes d'affaires arméniens contrôlaient le commerce et la banque... Cela n'a toutefois pas empêché les Dashnaks de déclencher des campagnes de terreur contre leurs concitoyens musulmans, et de provoquer des rébellions. Les pays de l'Entente, y compris la Russie, utilisaient les terroristes arméniens pour déstabiliser l'Empire ottoman.

Cela n'a pourtant pas protégé la Russie : Au début du XXe siècle, l'empire a vacillé. Et les Dashnaks, oubliant qu'ils avaient reçu des mains de l'Empire russe un véritable cadeau royal - des territoires confisqués aux Azerbaïdjanais - se sont dépêchés de se mettre au service des ennemis de la Russie.

Il suffit de se rappeler l’action de l'attaché militaire du Japon — le colonel Motodjiro Akashi, qui eut la mission de soutenir les partis et mouvements capables de déstabiliser l'empire de l'intérieur. À ce moment-là, les mouvements nationaux s'affermissaient déjà en Russie. Les indépendantistes finlandais dirigés par Konrad Cilliacus et... les Dashnaks ont accepté de collaborer avec les services de renseignement japonais. Akashi ne se contentait pas de soutenir « moralement » les activistes nationalistes. Il leur a fourni 25 000 fusils, 3 000 revolvers, des explosifs, des munitions... Tout cela a été chargé sur deux navires et envoyé en Russie. Le bateau, destiné à débarquer à Vyborg en mer Baltique, a été intercepté par le contre-espionnage russe. Mais le navire « Sirius », avec une autre cargaison d'armes, a atteint Poti, et les d »honorables correspondants » du « James Bond » japonais ont finalement reçu le « cadeau » espéré. Ces armes ont été utilisées lors de la vague de terreur contre les fonctionnaires russes et la population azerbaïdjanaise du Caucase du Sud. Cette terreur a pris une ampleur considérable. C'est ainsi que les Dashnaks ont assassiné le prince Nakashidze, vice-gouverneur de Bakou, et gravement blessé le prince Golitsyn, entre autres. Les autorités russes ont été obligées d'interdire le « Dashnaktsoutioun », d’arrêter ses dirigeants, et d'organiser, en 1912, le « procès des Dashnaks » où 850 victimes sont venues témoigner et 159 terroristes condamnés. Mais il était déjà trop tard pour arrêter la désintégration de l'empire.

Dans les années 70-80, les Dashnaks ont renoué avec le terrorisme, cette fois sur suggestion des services de renseignement soviétiques. Le terrorisme arménien est devenu un outil pour destabiliser les pays occidentaux, y compris la France. Les terroristes arméniens y ont commis des centaines d'attaques, y compris une tentative de faire exploser un avion civil en plein vol, une prise d'otages au consulat turc, etc.

Les autorités de Paris en ont-elles tiré des leçons ? Hélas non... Elles ont libéré de prison Varoujan Garabedian, qui avait placé la bombe qui a explosé à l'aéroport d'Orly (et non en vol, tuant donc seulement 8 personnes, au lieu de plus de 100), attention, le 23 avril, soit à la veille du soi-disant « jour du génocide arménien ».

En 1988, l'URSS était déjà en train de s'effondrer. Les Dashnaks en ont profité pour la frapper dans le dos. Dès le début du conflit du Karabagh, les secrétaires du Comité central du Parti communiste soviétique Razumovsky et Kharchenko, arrivés à Bakou, ont signalé l’urgence de réprimer l'activité des nationalistes arméniens, à défaut de quoi une réaction en chaîne commencerait dans toute l'Union. Mais l'entourage de Gorbatchev pensait différemment, convaincu que le conflit du Karabagh était le meilleur moyen de « lier » à Moscou à la fois Bakou et Erevan, d'obtenir un levier de pression sur les deux républiques, tout en démontrant du respect pour l'opinion du peuple — arménien, bien entendu. Mais ils n'avaient pas prévu que ces événements seraient suivis de très près dans d'autres régions « sensibles », en premier lieu dans les pays baltes, et que Bakou poserait la question de savoir pourquoi le pouvoir fédéral ne remplissait pas sa mission principale — garantir la légalité et l'ordre. Moins de quatre ans plus tard, l'URSS n'existait plus. Gorbatchev avouera plus tard que ce soutien aux Arméniens a été la plus grande erreur politique de sa vie.

Malgré cela, en France, c'est aujourd’hui la « lune de miel » entre les autorités et les Dashnaks. Voilà qu'à Évian, une statue de la poétesse azerbaïdjanaise Natavan est vandalisée, et les autorités françaises ne se bougent pas le petit doigt contre cet acte pitoyble . À Marseille, une statue est érigée en l'honneur des terroristes arméniens, et les autorités françaises font comme si de rien n'était. Certes, il n'y a pas encore eu, ces derniers temps de nouvel acte de terrorisme, mais quelque chose d'autre s'est produit.

On n'aime pas trop en parler ouvertement, mais au sein de la hiérarchie politique de «Dashnaktsoutioun », on continue de se nourrir avec les représentations et réalités des tournants du XIXe et XXe siècles, cette époque où les « grandes puissances européennes » se partageaient les terres des autres pays et se considéraient comme les arbitres du monde. Bien sûr, il est très gratifiant pour les politiciens français de faire ami-ami avec les Dashnaks, qui savent flatter l’ego de la majorité de la classe politique française en soulignant que la France est l'avant-garde du monde civilisé, a pour destin de guider celui des autres, qu’elle a une mission devant l’Histoire. Du petit lait pour les suprémacistes haineux qui monopolisent les medias.

Les hommes d’État de l’époque où cette appellation avait encore un sens, tels que François Mitterrand ou Jacques Chirac, ne se sont pas laissé tromper. Mais Emmanuel Macron n’a pas cette stature. Il s’est imaginé qu'il était temps pour lui de rendre, à sa façon, à la France sa grandeur passée et de formuler des plans napoléoniens...

En réalité, cela a été une succession d’échecs. La France, et ses rêves impériaux, confortés par les flatteries des Dashnaks, croit pouvoir agir au XXIe siècle selon les schémas du XIXe siècle. Le résultat est une bérézina : au XXIe siècle, le colonialisme n’est plus acceptable, le néocolonialisme non plus. En conséquence, les positions de la France s'effondrent en Afrique, dans l’Atlantique comme au Pacifique, la tension monte dans ses territoires ultramarins, mais aussi en Corse, en Bretagne, au Pays basque...

En somme, les Dashnaks se sont révélés être de ces « amis » qui nous dispensent d’avoir des ennemis. La responsabilité des conséquences de cette « amitié » contre nature incombe désormais à Macron, qui semble vouloir rendre des comptes aux Dashnaks plutôt qu’à l’Arménie et Pachinian lui-même. Les Français devraient une fois encore se souvenir que cajoler les terroristes arméniens a toujours mené à l'effondrement de l'État.

F. Akhundov
Politologue

Photo : Emmanuel Macron, Mourad Papazian, Ara Toranian

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