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« CHRÉTIENS D’ORIENT », UNE ÉMISSION DE MAUVAISE FOI

23 Juin 2024 19:59 (UTC+01:00)
« CHRÉTIENS D’ORIENT », UNE ÉMISSION  DE MAUVAISE FOI
« CHRÉTIENS D’ORIENT », UNE ÉMISSION DE MAUVAISE FOI

Paris / La Gazette

Ce dimanche 23 juin, France 2, dans son émission « Chrétiens orientaux », diffusait une séquence appelée « Patrimoine en danger en Artsakh ».

Par Jean-Michel Brun

Quelle mouche a donc piqué les producteurs de cette émission, d’ordinaire de bonne qualité, pour reprendre aveuglément, sans aucune distance ni circonspection, la propagande des ultra-nationalistes arméniens à propos du Karabakh ?

Il est vrai que les thématiques nationalistes ont le vent en poupe. On ne peut que regretter qu’une émission religieuse du service public se fasse le relais de ces idéologies mortifères.

C’est en effet la triste litanie des arguments conçus par le puissant lobby des séparatistes arméniens du Karabakh qu’ont livrée les protagonistes de l’émission : « L’Artsakh occupée par l’Azerbaïdjan », « berceau de la religion arménienne », « terre millénaire arménienne », « ce peuple arménien de l’Arstakh qui est là depuis des temps immémoriaux » , et enfin : « Pour les Arméniens, le patrimoine est une richesse, pour Aliyev, c’est un butin », une phrase illustrée par … une photo du président azerbaïdjanais sortant d’une mosquée saccagée par les occupants arméniens pendant leur présence au Karabakh !

Palimpseste

L’un des intervenants évoque une « ré-écriture de l’histoire ». Ce sont pourtant bien les Azerbaîdjanais qui en ont été victimes. Car c’est l’armée arménienne qui, en 1993 a envahi le territoire souverain de l’Azerbaïdjan, tout juste devenu indépendante et a occupé le Karabakh et les régions environnantes pendant près de 30 ans, malgré 4 résolutions des Nations Unies réaffirmant l’appartenance de ces territoires à l’Azerbaïdjan.

La légende de la présence millénaire arménienne a été écrite après coup pour justifier l’invasion de 1993 et mobiliser les Arméniens de la diaspora au moment de la guerre de reconquête de 2020. L’historien Serge Afanasyan, grand spécialiste de la région, n’en fait pourtant pas mention dont son livre de référence « L’Arménie, L’ Azerbaïdjan et la Géorgie » paru en 1981. Elle apparait en revanche dans les récents ouvrages des « nouveaux historiens arméniens » sponsorisés par la fondation Gulbelkian. Certes, les Arméniens étaient présents dans la région depuis plusieurs siècles, mais de façon minoritaire, parmi beaucoup d’autres peuples. Le Caucase, carrefour du nomadisme, est en effet l’un des lieux les plus cosmopolites et multiculturels du monde. C’est d’ailleurs au XVIIIème siècle que les Arméniens sont venus en nombre dans le Caucase du Sud , attirés par les promesses du Tsar Pierre le Grand, qui souhaitait qu’une population chrétienne s’installe en Transcaucasie, afin de faire contrepoids à la population majoritairement musulmane. Les grands voyageurs, comme le russe Verschaguine et le français Alexandre Dumas ont d’ailleurs largement décrit cette population des quartiers arméniens des villes du Karabakh, Choucha notamment.

Non, les églises et monuments chrétiens ne sont pas menacés par les azerbaïdjanais

Mais qu’en est-il de la « destruction des églises arméniennes ? »

« En Artsakh, occupé depuis sept 2023, l’Etat Azerbaidjanais détruit les églises arméniennes et les cimetières ». Cette affirmation est juste scandaleuse. Aucun élément du patrimoine arménien n’a jamais été détruit, du moins de manière intentionnelle, par les Azerbaïdjanais. Certes, des bâtiments, comme l’église de Choucha a été endommagée, mais ce fut lors des tirs d’artillerie qui opposèrent les deux camps pendant la guerre de 44 jours. L’Azerbaïdjan met au contraire un point d’honneur à conserver et restaurer le patrimoine religieux. L’église arménienne de Bakou ainsi que sa bibliothèque font d'ailleurs l’objet des soins les plus attentifs.

Il n’en est pas du tout de même concernant l’attitude des occupants arméniens à l’égard du patrimoine azerbaïdjanais, et c’est peut-être en ce sens que l’émission de France 2 dépasse les bornes de la déontologie.

En Arménie par exemple, plus de 300 mosquées ont été délibérément détruites, appropriées ou utilisées à d’autres fins au début du XXe siècle, entre autres, la Mosquée Bleue, la Mosquée Gala, la Mosquée Shah Abbas, la Mosquée Tapabashi, la Mosquée Zal Khan, la Mosquée Sartib Khan, la Mosquée Haji Novruzali Bey, la Mosquée Damirbulagh, la Mosquée Haji Jafar Bey, la Mosquée Rajab Pacha, la Mosquée Mohammad Sartib Khan, la Mosquée Haji Inamverdi. Seule la mosquée Damirbulagh a fonctionné normalement jusqu’en 1988, avant d’être entièrement démolie et remplacée par un immeuble.

En Arménie toujours, plus de 500 cimetières azerbaïdjanais, comme ceux de Aghadada, Ashaghi Shorja, Gullubulagh et Saral ont été détruits. La tombe du grand poète azerbaïdjanais Ashig Alasgar, avec la pierre tombale érigée dans son village natal dans l’ancien district de Goycha, a également été détruite.

Quant au Karabakh, ce fut à une véritable razzia que se sont livrés les guerrilleros arméniens, pendant les 30 années d’occupation. Des centaines de monuments historiques, culturels et religieux ont été pillés, vandalisés et détruits dans ces territoires. Sur les 67 mosquées et sanctuaires religieux musulmans, 64 ont été détruits ou considérablement endommagés et profanés. Les mosquées des districts d'Aghdam, Goubadly et Zenguilan, ont été en partie ou totalement démolies, les autres ont été recouvertes de graffitis arméniens, ou utilisées comme porcheries et étables. Plus de 900 cimetières ont été détruits et vandalisés sur ces territoires.

De prétendus "travaux de restauration" ont permis aux occupants d’effacer ou de falsifier les témoignages culturels, historiques et scientifiques azéris dans les territoires occupés par les Arméniens. Ainsi, un atelier moderne de production d'"anciens" khatchkars - pierres de croix arméniennes - a été découvert dans le district libéré de Kelbadjar. Ces khatchkars ont été oxydés et du vinaigre a été utilisé dans le processus de vieillissement artificiel, puis ils ont été enterrés comme « preuve indiscutable » de « racines arméniennes séculaires » dans ce district. Ils sont encore montrés dans certains documentaires de propagande comme « preuve » de la présence millénaire des Arméniens et de la menace que l’Azerbaïdjan ferait peser sur le patrimoine religieux arménien. Ils sont encore largement relayés par les medias français.

Quand l'église arménienne s'en prend aux autres cultes chrétiens

Le patrimoine musulman n’a pas été la seule cible des séparatistes arméniens du Karabakh : églises, cimetières, mausolées chrétiens ont été soit transformés en lieux de cultes arméniens, soit vandalisés ou détruits. C’est notamment le cas des patrimoines de l’église chrétienne orthodoxe et de l’église albanienne oudie.

L’église de la Transfiguration, à Kouropatkine, dans le district de Khodjavand a été totalement réduite en cendres. Il n’y a pas eu de guerre à Kalbajar, pour faire penser que des obus soient tombés sur les édifices. Les forces arméniennes se sont servies de l’église comme cible pour leurs essais de tir. « Faire croire que nous, les Azerbaïdjanais, menaçons les chrétiens est une fable arménienne absurde. Derrière cette fable, ce mythe arménien, sommes en train d’être anéantis. aidez-nous, nous, chrétiens » s’est indigné le Père Constantine, l’un des responsable de l’Eglise orthodoxe azerbaïdjanaise, en visitant les ruines de ce lieu de culte jadis si animé.

Dans la même région, à Kalbajar, au creux des montagnes, se dresse un magnifique monastère appartenant à l’église albanienne-oudie. Mais Robert Mobili, le responsable de la communauté, revenant pour la première fois sur les lieux depuis l’occupation, ne reconnaît plus les lieux de son enfance. « Ce n’est pas le Kalbajar que j’ai vu dans ma jeunesse. Avant d’atteindre le Khoudavang, nous avons vu deux églises albaniennes détruites sur notre chemin ».

La basilique a été construite au VIIIe siècle sur la tombe de Dadi, qui est venu prêcher le christianisme sur les ordres de saint Thaddei, un apôtre de Jésus-Christ. Ce monastère est considéré comme l’un des premiers monastère chrétiens du Caucase du Sud. Toutefois, l’âge de ce site spirituel remonte à plus de 1000 ans

Les Arméniens ont présenté le complexe comme étant le leur, essayant de justifier ce mensonge avec des éléments qu’ils ont ajoutés au bâtiment, comme les croix arméniennes qui ont été placées à l’entrée, des inscriptions en langue arménienne, et le maquillage en croix arménienne de la croix située à l’intérieur.

Ces contrefaçons sont une indication claire de l’attitude des Arméniens à l’égard des monuments historiques

Un participant arménien à l’émission Chrétiens d’Orient a osé prétendre que l’église albanienne n’existait plus.
Non, malgré les tentatives d’effacement de la part du clergé arménien, profitant du fait qu’en 1830 la Russie tsariste a placé l’Eglise albanienne, sous tutelle de l’église arménienne grégorienne, malgré les tentatives d’appropriation des biens de l’église oudie par les prêtres arméniens, l’église albanienne a bien survécu.
« Ils ont même installé des ateliers à proximité, où ils produisaient en continu des croix arméniennes. Ils ont enlevé une grosse pierre du mur et mis une croix à sa place. Il faut du temps pour guérir les blessures du sol, des pierres et des arbres. Mais nous réparerons. Tous nos monuments religieux détruits par les arméniens seront restaurés sur nos terres libérées », martèle Robert Mobili qui recense les édifices chrétiens oudis confisqués ou vandalisés par les occupants arméniens :

Le monastère d’Aghoghlan à Latchine. Fabriqué à partir de pierres de basalte au IXe siècle, sa construction ingénieuse en avait fait l’un des joyaux de l’architecture chrétienne albanienne.

Le temple du Saint-Elisée. Situé dans la région d’Aghderedu Haut-Karabakh, entouré de hauts remparts, il fut construite au Ve siècle au sommet d’une montagne à 2000 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Le monastère de Gandzasar, bâti sur une montagne sur la rive gauche de la rivière de Khatcyn dans le village de Vengly, c’est l’un des plus célèbres monuments de l’architecture chrétienne de l’Albanie caucasienne.

Le monastère d’Amaras, construit au IVe siècle dans le village de Sos de la région de Khodjavend, les temples de Hagapat, d’Aghtala, de Tatev, d’Ouzounlar, de Yeniveng, et aussi celui de Senaïn, situé actuellement en territoire arménien.

Ce négationnisme est le leitmotiv de la propagande arménienne : l’église albanienne oudie aurait disparu ou n’aurait jamais existé, la transformation d’anciennes églises chrétiennes en églises arménienne serait un mythe. Cette dialectique pouvait fonctionner pendant les 30 ans d’occupation, être relayée aujourd’hui encore par des medias complaisants, mais la réalité a la vie dure, et ne pourra plus longtemps faire recette, même en France, malgré la stratégie d’effacement lancé par le nationalisme arménien.

La stratégie de l’effacement

Dans le Haut-Karabakh, le recensement réalisé par le Ministère de la Culture de l’Azerbaïdjan avant l’occupation, 571 institutions culturelles ont été identifiées, dont 286 bibliothèques, 237 maisons et clubs culturels, 19 musées, 24 écoles de musique pour enfants, 1 cinéma, 2 théâtres et 2 galeries. Presque toutes les entreprises sont dans un état de destruction complète.

Dans son Rapport 2021 sur la Liberté Religieuse Internationale (2021 Report on International Religious Freedom)le Bureau chargé de la liberté religieuse internationale au sein du Département d’État des États-Unis a confirmé que des centaines de sites, dont la plupart des mosquées, sanctuaires et cimetières des communautés ethniques azerbaïdjanaises, ont été pillés, vandalisés, profanés et détruits alors qu’ils étaient sous contrôle arménien.
« Parmi les exemples de dommages connus causés à des sites religieux importants, citons la mosquée Haji Alakbar du XIXe siècle dans le district de Fuzuli, qui a été détruite, et la mosquée Juma à Aghdam, qui a été vandalisée avec des graffitis en langue arménienne et dont le mehrab (la niche dans le mur qui indique la direction de la Mecque) a été criblé d’impacts de balles », peut-on lire dans le rapport.« Des cimetières de la ville d’Aghdam ont été profanés, pillés et/ou détruits, y compris les tombes sacrées et historiques du XVIIIe siècle du cimetière d’Imarat Garvand, « l'allée des martyrs » de la ville. Les diplomates occidentaux qui ont visité l’allée des martyrs ont déclaré avoir vu des trous à l’endroit où les corps étaient autrefois enterrés et qu’il ne restait qu’une seule pierre tombale brisée dans le cimetière. La religion et l’ethnicité étant étroitement liées, il est difficile de classer de nombreux incidents comme étant uniquement fondés sur l’identité religieuse », ajoute le rapport.

Qu’il soit bien clair que ce ne sont pas les Arméniens d’Azerbaïdjan qui sont en cause, ni ne peuple arménien dans son ensemble – ils sont, au même titre que les autres communautés chrétiennes, victimes des nationalistes et de la diaspora, qui, bien au chaud dans leurs pays respectifs, attisent les braises de la discorde – ce sont précisément ces derniers qui tentent de faire croire à leur implantation immémoriale, en détruisant toute trace de la présence antérieure des autres chrétiens d’orient.

Il est temps de cesser de prendre les mythes pour des réalités. Pourquoi, aujourd’hui, est-il impossible de diffuser sur les chaînes françaises ou dans les journaux français, les témoignages qui vont à l’encontre du « story-telling » officiel ? Pourquoi les versions arméniennes de l’histoire apparaissent en tête des recherches sur Google au détriment des historiens azerbaïdjanais dont les récits sont relégués dans les abysses du net ?

Heureusement, à Erevan, et dans une partie de la diaspora lassée d’être instrumentalisés, beaucoup d’Arméniens cherchent à renouer des relations pacifiées et productives avec leurs voisins.

Helas, la riche diaspora française, financée par quelques milliardaires et trafiquants, comme Ruben Vardanyan, aujourd’hui emprisonné à Bakou est encore très puissante. D’autant qu’elle s’appuie sur des organisations chrétiennes extrémistes, comme l’Oeuvre d’Orient, ou Christian Solidarity International, laquelle ne demande rien de moins que d’interdire les Jeux Olympiques aux Azerbaïdjanais...

« Plus un mensonge est gros, plus il a de chance d’être crû » avait lancé Goebbels. Certains ont bien retenu la leçon…

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