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NOUVELLE-CALÉDONIE : COMMENT ÉTEINDRE LE FEU AVEC LES CENDRES DE SA MAISON

12 Juin 2024 23:23 (UTC+01:00)
NOUVELLE-CALÉDONIE : COMMENT ÉTEINDRE LE FEU AVEC LES CENDRES DE SA MAISON
NOUVELLE-CALÉDONIE : COMMENT ÉTEINDRE LE FEU AVEC LES CENDRES DE SA MAISON

Paris / La Gazette

Emmanuel macron a annoncé, lors de sa conférence de presse du 12 juin, la "suspension" de la réforme électorale de Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie, comme la Polynésie française, est inscrite par l’ONU sur la liste des pays à décoloniser. Les accords de Noumea de 1998 plaçaient l’archipel sur la voie d’une progressive évolution vers l’indépendance. Si les gouvernements français successifs se sont apparemment accommodés de cette perspective, il n’en fut pas de même sous la présidence d’Emmanuel Macron, lequel, poussé par les « Caldoches », c’est-à-dire les descendants des anciens colons français, a tenté par trois fois de repousser la décolonisation par le biais de référendums plus ou moins contraints.

Le 30 avril 2024, les représentants de la population indigène Kanak retrouvaient à Vienne , au centre de conférence de l’ONU, les partis autonomistes et indépendantistes des autres territoires et départements d’Outre-mer français, y compris la Corse à l’occasion du forum du Groupe d’Initiative de Bakou. Leur discours fut sans équivoque : le processus issu des accords de Nouméa devait se poursuivre, à la condition sine qua non que le projet, inspiré par les « légitimistes », et voté par le Sénat, de « dégeler » l’électorat, c’est-à-dire d'étendre le droit de vote aux assemblées régionales aux nouveaux arrivants de la métropole soit écarté. Ce dégel ayant pour objectif et pour conséquence de mettre en minorité le peuple kanak, donc d’envoyer aux oubliettes toute velléité d’indépendance. Il s’agissait là de la ligne rouge à ne pas franchir.

Or, 15 jours plus tard, mis au vote par le gouvernement de Gabriel Attal, le dégel fut adopté par l’Assemblée Nationale. Cette décision a nourri, à partir du 13 mai, de violentes émeutes dans le territoire français du Pacifique Sud, les plus graves depuis la crise politique des années 1980.

Au lieu de calmer le jeu et de retourner à la négociation, le premier ministre et le ministre de l’intérieur firent le choix de la force et dépêchèrent sur place les forces d’élites de la police et de l’armée métropolitaines. Ils fournirent même un appui aux milices armées caldoches organisées en groupes d’autodéfense. S’en suivit un véritable climat insurrectionnel qui fit neuf morts, des centaines de blessés, et des dégâts estimés à 1 milliard d’euros. En quelques jours, 25 ans de travail de négociations furent ainsi réduits à néant, plongeant la Nouvelle-Calédonie dans une situation de non-retour.

Finalement Emmanuel Macron se trouvait face à un incendie qu’il avait lui-même allumé.

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La solution est venue, d’une manière particulièrement inattendue, trois semaines plus tard, avec la débâcle du parti présidentiel aux élections européennes, puis la dissolution de l’Assemblée Nationale survenue le 9 juin 2024. Dès lors, le Congrès des deux assemblées qui devaient adopter cette réforme constitutionnelle avant le 30 juin, ne pouvait plus être convoquée.

Le 12 juin, Emmanuel Macron annonçait, lors d’une conférence de presse, que le projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral de Nouvelle-Calédonie, était « suspendu », afin de «donner toute sa force au dialogue sur place et au retour à l'ordre».

Emmanuel Macron ne pouvait pas non plus prendre le risque d’alimenter une situation déjà complexe, par un débat sur un sujet aussi délicat et clivant que la Nouvelle-Calédonie. Les partis indépendantistes Kanak l’avaient d’ailleurs compris dès le résultats des européennes. « Nous pouvons convenir ensemble que les élections européennes auront eu raison de la loi constitutionnelle», avait immédiatement estimé le Parti de libération kanak (Palika), «l'heure doit être à la reconstruction de la paix et du lien social».

Reste à savoir ce qui se passera après les élections législatives prévues le 30 juin et le 7 juillet. Le chaos provoqué par la dissolution entraîne actuellement des coups de théâtre à répétition, comme la constitution d’un nouveau « Front populaire » unissant les partis de gauche, et l’implosion de la droite après l’affaire Ciotti. Il est donc très hasardeux de faire aujourd’hui des prévisions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Si le Rassemblement National obtient la majorité absolue, il est possible que celui-ci soutienne à nouveau les anti-indépendantistes et poursuivent la politique initiée avant la dissolution. Dans le cas d’une majorité relative du RN et d’une poussée de la gauche, le pays sera pratiquement ingouvernable et le sort de la Nouvelle-Calédonie mis en suspens, à moins que les indépendantistes décident de se passer de l’avis de la Métropole…

Jean-Michel Brun

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