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POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LA FRANCE : DU « EN MÊME TEMPS » AU « N’IMPORTE QUOI »

17 Mars 2024 12:57 (UTC+01:00)
POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LA FRANCE : DU « EN MÊME TEMPS » AU « N’IMPORTE QUOI »
POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LA FRANCE : DU « EN MÊME TEMPS » AU « N’IMPORTE QUOI »

Paris / La Gazette

Y a-t-il une réelle cohérence dans la politique étrangère française ?

C’est bien pratique, ce « en même temps », dont Emmanuel Macron a fait sa profession de foi. Cela permet de dire, à quelques heures d’intervalle, tout et le contraire de tout. Cela lui permet de parler sans cesse, se montrer partout, en un mot d’exister, même s’il faut, pour cela affirmer blanc le lundi et répondre noir le mardi.

Le 26 février dernier, le chef de l’État s’était emparé du devant de la scène en déclarant que l’envoi de militaires en Ukraine « n’était pas à exclure ». Une déclaration tonitruante qui a décoiffé ses homologues européens, lesquels l’ont immédiatement rappelé à l’ordre. Ce qui n’a guère ému Emmanuel Macron, satisfait de son coup, qui a pu s’appuyer sur sa devise préférée pour soutenir, le 12 mars à l’Assemblée Nationale, que « en même temps », « la France est une force de paix », et jurer qu’il n’y avait pas de mésentente avec ses alliés européens. Même si c’est un peu oublier que, que ce soit sa dans participation au groupe de Minsk pour la résolution du conflit du Caucase, lors sa rencontre avec Vladimir Poutine, ou à travers sa position hésitante à propos des massacres de Gaza, toutes les tentatives d’arbitrage de la France se sont soldées par des échecs cuisants.

De nouveau, le 14 mars, le chef de l’État médiatique en remet une couche lors d’un entretien télévisé un peu surréaliste où il répète qu’il « ne faut pas exclure » l’option militaire, car « la Russie ne peut pas et ne doit pas gagner cette guerre » qui est « existentielle pour l’Europe et pour la France ».

Cette posture, qualifiée de discours de Matamore « va-t-en-guerre » par une grande partie de la classe politique, a été soufflée par certains de ses conseillers militaires, au nom de la théorie de l’« ambiguïté stratégique », qui consiste à entretenir un flou à demi-mots menaçant sur ses intentions afin d’intimider l’adversaire et le dissuader d’aller plus loin. On imagine que Poutine en tremble déjà…

Cette stratégie « au doigt mouillé » s’exprime de façon magistrale à propos du conflit du Moyen-Orient, où la France s’est immédiatement alignée, comme à son habitude, sur la position américaine, en condamnant, sans nuance les attaques du Hamas qualifiées aussitôt de « terroristes » par l’Élysée, puis s’est trouvée obligée de reconnaître le caractère intolérable du massacre des gazaouis. Ainsi, Emmanuel Macron s’est défendu, lors de l’interview du 14 mars, de tout esprit de vassalité à l’égard de Netanyahou en affirmant : « Je n’ai jamais dit qu’Israël avait un droit absolu à se défendre ».

Il faut dire qu’en temps, sous la pression du peuple américain qui voit chaque jour – contrairement à la France - les images des exactions commises par Tsahal, Joe Biden a changé son fusil d’épaule, condamné la répression israélienne et déclaré que « Netanyahou fait plus de mal que de bien à Israël ». Surtout, il a repris à son compte le chiffre de 30 000 palestiniens tués, véritable pied-de-nez à ceux qui jusque-là, contestaient ce chiffre, l’attribuant à la propagande du Hamas.

Faute d’une vision claire de ce que devrait être l’équilibre mondial et la position géopolitique de la France, ni les Français, ni ses alliés, ne comprennent exactement où le chef de l’État veut mener son pays. Surtout, cette errance stratégique, associée à l'autre leitmotiv d'Emmanuel Macron, son fameux "Quoi qu'il en coûte", inquiète les Français qui se demandent si ce ne sont pas eux qui, bientôt, vont avoir à régler la note.

Concernant la politique de la France au Caucase, l’incohérence est à son comble. La France condamne l’Azerbaïdjan pour s’être libérée d’une occupation de 28 ans, mais « en même temps » soutien l’Ukraine envahie et menacée d’occupation par les Russes. Elle participe aux sanctions imposées à la Russie, mais accepte que celles-ci soit détournées par son amie arménienne, qui s’allie avec l’Iran, l’une des cible favorite de la France. Quel galimatias !

Pourtant, cette attitude s’explique fort bien. N’ayant aucune stratégie étrangère cohérente, ce sont des considérations de politique intérieure qui guide celle-ci. La puissance du lobby arménien en France et son poids électoral considérable dans les trois plus grandes villes de France expliquent en grande partie l’attitude officielle de la France. Mais pas seulement. La dérive droitière de la politique macronienne l’amène à s’appuyer sur des théories fumeuses telles que les « racines chrétiennes de la France » pour justifier son appui inconditionnel à l’Arménie, ou du moins à sa branche la plus nationaliste, au nom d’un prétendu « choc de civilisations », alors même que l’Azerbaïdjan devrait être considérée comme un modèle de laïcité inclusive. La volonté obsessionnelle d’Emmanuel Macron d’exister sur la scène politique l’a, ici encore, conduit à des excès rhétoriques, en promettant de livrer de l’armement à l’Arménie. Mais pendant ce temps, les intéressés se sont largement engagés dans le processus de paix bilatéral, sans se soucier de la « mouche du coche » française. Après le résultat lamentable de sa participation au groupe de Minsk, la France voit une fois de plus l’histoire s’écrire sans elle.

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