L’AZERBAÏDJAN ET LA PRESSE
Paris / La Gazette
Ce week-end, l’ambassadrice d’Azerbaïdjan en France, Leyla Abdullayeva , s’est émue, sur « X » d’un article du Figaro reprenant, une fois de plus, le refrain de « l’offensive de Bakou pour dénigrer la France ». La présidente de l'Assemblée Nationale a répondu que la presse française était libre... vraiment ?
« Vous faites encore semblant de ne pas savoir que le Karabakh est une partie du territoire internationalement reconnu de l’Azerbaïdjan. Pour lapremière fois depuis longtemps, une paix juste et durable est possible. La Paix a besoin de vérité, pas de faux récits. Le Figaro, aidez la paix au lieu de chercher à destabiliser la situation dans notre région » a tweeté l’ambassadrice. Madame Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale a répondu en reprochant à la diplomate de chercher à « donner des leçons à la presse française » et en mettant en cause la liberté de la presse en Azerbaïdjan. Qu’en est-il exactement ?
On ne peut concevoir de vie démocratique sans liberté de parole. La Bible, les Évangiles, le Coran considèrent même la parole comme l’origine de toute chose. Dans nos sociétés, cette liberté s’exprime par la liberté de la presse. Les journalistes sont les témoins de notre temps. Les bâillonner, c’est plonger les citoyens dans l’ignorance, et la société dans l’obscurantisme.
Depuis le début du conflit du Caucase du sud, certains medias occidentaux, en France en particulier, ont pris la grave responsabilité d’exclure les intervenants azerbaïdjanais des plateaux de télévision et des colonnes des journaux, n’ouvrant leur porte qu’aux porte-paroles du séparatisme arménien, contribuant ainsi à installer, dans l'esprit du public français, le récit imaginaire d'une région "habitée depuis des millénaires par le peuple arménien", passant sous silence le massacre de Khodjaly et la destruction des villes du Karabakh.
Les journalistes français, comme Liseron Boudoul ou moi-même, qui ont décidé de se rendre sur place pour témoigner, en toute indépendance, de la réalité des événements, ont été menacés et censurés. Récemment, une journaliste azerbaïdjanaise a été empêchée, par les autorités françaises, de faire son travail en Nouvelle-Calédonie.
Aujourd’hui, on ne peut plus dire que la presse française est libre. A part quelques journaux comme Mediapart, Politis et quelques autres, la presse française, largement subventionnée par l’État, est aux mains d’oligarques proches du pouvoir ou de l’extrême-droite, qui tentent de convaincre leurs lecteurs et spectateurs que les conflits intérieurs ou internationaux sont le fruit d'une confrontation civilisationnelle entre "le camp du bien" et "le camp du mal".
Je peux témoigner en revanche, et je le dis en toute indépendance et objectivité, que j’ai bénéficié, lors de mes séjours en Azerbaïdjan, d’une totale liberté de mouvement et d’expression. Jamais quoi que ce soit ne m’a été imposé, et je n’ai été jamais empêché de rencontrer qui que ce soit, de visiter ou de filmer quelque lieu que ce soit. Sinon, je ne serais pas resté une seconde de plus et j'aurais, sur le champ, fait mes valises. Les articles que j’ai le plaisir de publier dans les journaux azerbaïdjanais se sont jamais passés au crible d’aucun contrôle. Je ne l'aurais pas non plus accepté. Personne n’a jamais chercher à influencer mon travail, dans un sens ou dans un autre. Cela n’a pas toujours été le cas dans d’autres pays.
Il s’agit d’ailleurs là de l’un des motifs d’étonnement récurrents chez ceux qui visitent l’Azerbaïdjan. Quel chef d’État consacrerait trois heures de son temps à répondre aux questions des journalistes ou spécialistes internationaux, y compris les plus incisives, qu’elles viennent de journalistes travaillant dans des pays amis ou non, comme l’Iran, les États-Unis, ou la France par exemple ? C’est pourtant exactement ce qui s’est passé lors des trois séances de face-à-face avec le président Ilham Aliyev auxquelles j’ai participé.
Cette volonté de transparence à l’égard de la presse s’est illustrée notamment à l’occasion du « Susha Global Media Forum », qui s’est tenue à Choucha le 23 juillet 2023 et auquel participaient 250 journalistes et directeurs de presse venus de 50 pays différents. Les sujets : l’avenir du métier de journaliste et, naturellement, la liberté de la presse. Régulièrement, le chef de l’État azerbaïdjanais invite les medias à venir lui poser librement leurs questions, auxquelles il répond sans esquive et sans langue de bois. On aimerait qu’il en soit plus souvent ainsi dans nos pays qui prétendent faire leur étendard de la protection des journalistes.
Jean-Michel Brun