NÉGOCIATIONS SUR L'UKRAINE: LES DIRIGEANTS EUROPÉENS SE RÉUNISSENT D'URGENCE À PARIS
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Paris / La Gazette
Les dirigeants européens ont cherché à former un front uni lundi lors de discussions d'urgence à Paris, convoquées après le blitz diplomatique américain sur l'Ukraine, qui a plongé une alliance autrefois solide dans la tourmente et a amené les Européens à s'interroger sur la fiabilité de leur principal partenaire transatlantique.
Peu avant la réunion, le président français Emmanuel Macron s'est entretenu avec le président américain Donald Trump, mais l'Élysée n'a pas divulgué les détails de cette discussion de 20 minutes.
Les dirigeants de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Italie, de la Pologne, de l'Espagne, des Pays-Bas, du Danemark et de l'Union européenne se sont réunis au palais de l'Élysée pour discuter du dilemme de l'Europe en matière de sécurité.
Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, était également présent.
Depuis la semaine dernière, les hauts fonctionnaires américains de l'administration Trump, lors de leur première visite en Europe, ont laissé l'impression que Washington était prêt à embrasser le Kremlin tout en jetant un froid sur bon nombre de ses alliés européens séculaires.
Le général Keith Kellogg, envoyé spécial de D. Trump pour l'Ukraine et la Russie, a souligné lundi que l'Europe n'avait pas sa place à la table des négociations.
"Toutes leurs préoccupations seront connues et prises en compte", a déclaré M. Kellogg aux journalistes à Bruxelles, où il a informé les 31 alliés américains de l'OTAN, ainsi que des responsables de l'Union européenne, avant de se rendre à Kiev pour des entretiens mercredi avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky. "Je ne pense pas qu'il soit raisonnable et faisable d'asseoir tout le monde à la table des négociations. Nous savons comment cela peut tourner, et c'est ce que nous avons fait, en veillant à ce que les choses se fassent rapidement et proprement", a-t-il avancé.
Les remarques de M. Kellogg font suite à une série de discours prononcés la semaine dernière par le vice-président JD Vance et le secrétaire à la défense Pete Hegseth, qui remettaient en question les engagements de l'Europe en matière de sécurité et ses principes démocratiques fondamentaux. Emmanuel Macron, qui a longtemps défendu une défense européenne plus forte, a déclaré que leurs reproches cinglants et leurs menaces de non-coopération face à un danger militaire avaient fait l'effet d'un choc sur le système.
Le point de basculement s'est produit lorsque M. Trump a décidé de bouleverser des années de politique américaine en organisant des pourparlers avec le président russe Vladimir Poutine dans l'espoir de mettre fin à la guerre entre la Russie et l'Ukraine.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré aux journalistes qu'un éventuel accord de paix avec la Russie ne pouvait être imposé à l'Ukraine de l'extérieur.
"Nous nous réjouissons que des pourparlers aient lieu, que la paix s'installe partout. Mais pour nous, c'est clair : cela ne signifie pas que la paix peut être dictée et que l'Ukraine doit accepter ce qui lui est présenté", a-t-il insisté après avoir quitté le palais de l'Élysée, alors que la réunion se poursuivait.
"Les négociations avec l'Europe avancent rapidement", a déclaré M. Zelensky lors d'une conférence de presse virtuelle lundi à Kiev, ajoutant que les récentes mesures prises par les États-Unis "ont tout accéléré". M. Zelensky a indiqué que le chef de l'État français avait accepté de lui fournir un briefing sur les conclusions de la réunion de Paris.
Une forte composante américaine restera toutefois essentielle dans un avenir prévisible, car il faudra de nombreuses années avant que les nations européennes puissent augmenter leur production de défense et l'intégrer dans une force efficace. Ce lien avec les États-Unis s'applique également à la gestion de la guerre en Ukraine, a renchéri le Premier ministre britannique Keir Starmer.
"Le soutien des États-Unis restera critique et une garantie de sécurité américaine est essentielle pour une paix durable, car seuls les États-Unis peuvent dissuader Poutine d'attaquer à nouveau", a écrit M. Starmer dans le Daily Telegraph de lundi.
M. Starmer semble tracer une "troisième voie" dans le paysage géopolitique changeant de l'Europe, en s'alignant stratégiquement sur M. Trump tout en maintenant les liens avec l'UE. Certains analystes suggèrent que ce positionnement pourrait lui permettre d'agir comme un pont entre M. Trump et l'Europe, en servant potentiellement de messager clé à la Maison Blanche lors de sa visite à Washington DC la semaine prochaine.
L'envoi de troupes occidentales en Ukraine
Alors que de nombreux pays de l'UE réfléchissent encore à la possibilité de fournir des troupes à une éventuelle force en Ukraine après un accord de paix, M. Starmer a laissé entendre que le Royaume-Uni était "prêt et disposé à contribuer aux garanties de sécurité pour l'Ukraine en envoyant nos propres troupes sur le terrain si nécessaire".
L'année dernière, Emmanuel Macron a refusé d'exclure l'envoi de troupes occidentales en Ukraine si cela s'avérait nécessaire.
"Un cessez-le-feu ne doit pas conduire au réarmement de la Russie, qui serait suivi de nouvelles attaques russes", a averti le Premier ministre danois, Mette Frederiksen, avant la réunion de Paris. Toutefois, M. Scholz a déclaré qu'il était trop tôt pour parler d'une intervention sur le terrain. "Il est tout à fait prématuré et ce n'est pas le bon moment pour avoir cette discussion maintenant. Je suis même un peu irrité par ces débats", a opiné M. Scholz.
"Les pourparlers de paix n'ont pas eu lieu et l'Ukraine n'a pas dit oui et ne s'est pas assise à la table des négociations. C'est tout à fait inapproprié, pour dire les choses franchement et honnêtement : nous ne savons même pas quel sera le résultat", a-t-il ajouté.
Les pays européens sont déterminés à soutenir l'Ukraine là où ils le peuvent et à augmenter leurs dépenses de défense. Cependant, même s'il existe un consensus général pour dépasser l'objectif de consacrer 2 % du produit intérieur brut à la défense, la manière d'atteindre les 3 % n'est pas évidente.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a déclaré qu'il prévoyait d'exhorter les autres dirigeants à investir davantage dans la défense, alors qu'il s'apprêtait à se rendre à Paris. La Pologne consacre plus de 4 % de son PIB à la défense, soit plus que tout autre membre de l'OTAN.