L'EXPOSITION "FLOWERS OF BAKU" SUR L'ART NOUVEAU EN AZERBAÏDJAN S'OUVRE À BRUXELLES
Paris / La Gazette
Le 17 octobre 2024, a eu lieu à Bruxelles le vernissage de l’exposition « Flowers of Baku », consacrée au patrimoine Art nouveau de la ville de Bakou.
L’exposition se tient dans les prestigieuses Halles Saint Gery, l’une des salles d’expositions les plus fréquentées de Belgique en plein cœur de la capitale belge, jusqu’au 8 janvier 2025.
Un photographe réalisateur découvre l’Azerbaïdjan
Le commissaire de l’exposition est Frank Depaifve, un photographe et réalisateur français résidant entre la Belgique la France et le Luxembourg. Pendant plus de 10 ans, il a travaillé dans la diplomatie culturelle et économique. Dans ce cadre, il a monté des projets dans une trentaine de pays, en particulier des pays qui avaient un déficit d'image. L’idée était d’identifier à chaque fois ce qui était beau, ce qui était factuel, et qui pouvait provoquer le dialogue, surtout avec les pays européens, et principalement dans la culture, le patrimoine, l'histoire, et accessoirement dans l'économie aussi parce que tout est lié. Ces projets se sont matérialisés par des livres, des expositions, des conférences et tout ce qu'on pouvait imaginer en ingénierie culturelle.
« Et puis », nous raconte Frank Depaifve, « en 2017, alors que je préparais un livre sur le plus grand palais de justice du monde à Bruxelles, je cherchais à trouver des personnalités du monde entier qui s’exprimeraient sur la justice. J’ai donc interrogé des chefs d'État, des membres de ONU, etc.
Aytan Mouradova, grande spécialiste de la culture azerbaïdjanaise, m'a alors parlé de Tatiana Alexander Goldman, juge à la cour suprême d’Azerbaïdjan. « Impossible ! » s’est écrié mon entourage : une femme juive à la cour suprême d’un pays musulman, forcément extrémiste par conséquent ! Cette réaction m’a incité à vouloir en savoir plus sur ce pays. Je me suis donc rapproché des ambassades d’Azerbaïdjan en France et en Belgique. C’est ainsi que j’ai découvert tout ce que je ne connaissais pas sur l’Azerbaïdjan, par exemple que le droit de vote y avait été donné aux femmes bien longtemps avant la France et la Belgique. J’ai découvert l'histoire des frères Nobel, des Rothschild, et des Rockefeller qui ont construit ou complété leur fortune en Azerbaïdjan. J’ai également fait un reportage photo sur Gouba (la ville des juifs de montagnes NDLR) qui doit faire prochainement l’objet d’une exposition. Et puis comme Bruxelles avait décidé que 2003 serait l’année de l’Art nouveau, j’avais suggéré que l’on s’intéresse à l’Art nouveau à Bakou. Je me suis rendu sur place, et j’ai eu la surprise de découvrir un pays d’une richesse culturelle surprenante. A Bakou nous avons rencontré des architectes, comme Rizvan Bayramov, spécialiste de l’Art nouveau, nous sommes allés chez des gens qui habitent des bâtiments Art nouveau, souvent depuis plusieurs générations, et qui sont incollables sur le sujet.
J’ai aussi rencontré des personnes extraordinaires qui venaient nous chercher dans la rue et nous prendre par la main pour nous emmener chez elles et nous faire déguster les spécialités locales. »
Frank Depaifve se souvient qu’à cette occasion, il eut une discussion avec une étudiante qui lui a posé cette question : « Pourquoi vous nous détestez alors que vous ne nous connaissez pas ? »
« Cela m’avait profondément touché » nous confie-t-il, « Cette gamine de 18 ans souffrait d'être haïe par des gens qu'elle ne connaissait pas et cela avait un impact sur son quotidien » ».
L’Art nouveau de Bakou fleurit enfin à Bruxelles
Cet ostracisme - lié à l’ignorance - envers l’Azerbaïdjan, s’est d’ailleurs matérialisé par le veto opposé arbitrairement à la réalisation de cette exposition sur l’Art nouveau à Bakou en 2023, comme cela avait été prévu, par la secrétaire d’État socialiste flamande Ans Persoons. Une opposition que cette dernière n’a jamais voulu justifier.
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Mais cette fois, l’exposition « Flowers of Baku » aura bel et bien lieu, malgré les menaces que certains politiques ont fait peser sur une manifestation qui n’a pourtant rien à voir avec la politique.
Sur plus de 400 m², les visiteurs peuvent découvrir l’histoire de la ville de Bakou.
1901, en plein âge d’or industriel, la moitié des barils de pétrole produits dans le monde provient d'une seule ville : Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan.
La « Cité noire », qui attira les frères Nobel, les Rothschild et les Rockefeller, devint prospère, plus encore qu’à l’époque des routes de la soie. Opéra flambant neuf, Académie des sciences, demeures belles comme des palais, par goût et pour rivaliser avec les capitales européennes, Bakou adopte alors l’Art nouveau.
Aujourd’hui encore, l’œil du visiteur apprend à repérer des motifs Art nouveau sur les façades, en particulier les fleurs richement sculptées dans la pierre locale. Derrière les portes, d’autres traces de l’Art nouveau nous attendent : ici, sur un plafond peint, là, dans la ferronnerie d’une rampe d’escalier sinueuse, dans un petit vitrail, sur le dossier d’une chaise en bois.
L’exposition est divisée en plusieurs espaces thématiques. On commence par une contextualisation sur l'Azerbaïdjan et plus particulièrement sur Bakou, car la plupart des gens ignorent même où se trouver l’Azerbaïdjan, et ne connaissent a fortiori rien de son histoire. Ensuite, un parcours permet, en foulant l’herbe de Bakou, de se promener dans les rues de la capitale azérie à travers des photos anciennes et actuelles, ainsi qjue des films d’époque. Est également présenté un texte de Heike Maria Johenning, une spécialiste allemande de l'art nouveau en Azerbaïdjan, qui traite de l'influence de l'islam sur l'art nouveau. On peut également pénétrer dans un appartement bakinois, reconstitué avec des photos prises sur place et on termine par l'opéra de Bakou, où est racontée l’histoire extraordinaire du pari qui avait été fait à l'époque entre 2 milliardaires pour arriver à convaincre une cantatrice de revenir chanter à Bakou.
La consécration par le public
Malgré le contexte évoqué plus haut, le vernissage a été un énorme succès, avec près de 250 visiteurs, une vingtaine d'ambassadeurs internationaux, des personnalités du monde culturel, des réalisateurs, des artistes, etc.
Lors de la cérémonie d'ouverture, l'ambassadeur d'Azerbaïdjan en Belgique, Vaguif Sadigov, a évoqué l'histoire et l'architecture de Bakou, en particulier des bâtiments historiques construits dans le style « Art nouveau » pendant la période d'industrialisation.
Franck Depaifve a parlé de sa visite en Azerbaïdjan en 2023 pour explorer le patrimoine « Art nouveau » de Bakou.
Le réalisateur Yves Ringer a partagé ses souvenirs du Festival international du film « Salam » en Azerbaïdjan et de sa visite à Bakou en 2024.
Le 19 octobre, lors de la Museum Night Fever, où tous les musées de la région de Bruxelles sont ouverts 24h non-stop, 4000 personnes ont visité l’exposition.
Conçue par Franck Depaifve, l’exposition a été montée par l’association de diplomatie culturelle Atabey, une association de droit Belge créée en 2022 par Yuniesxy Fajardo Fuentes, cubaine spécialiste de la diplomatie culturelle vivant en Europe depuis plus de 15 ans.
L'exposition se poursuivra jusqu'au 8 janvier 2025.