LA PRÉSIDENT AZERBAÏDJANAIS FAIT LE POINT SUR LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE LORS D'UNE INTERVIEW À LA TÉLÉVISION RUSSE - TEXTE INTÉGRAL DE L'INTERVENTION
Paris / La Gazette
Le 17 décembre, le Président de la République d'Azerbaïdjan Ilham Aliyev a accordé une interview au directeur général de l'Agence d'information "Russia Today", Dmitri Kiselev, pour la Société nationale de télévision et de radio de Russie et l'agence russe RIA Novosti. Rappelons que l'ambassadeur d'Azerbaïdjan en Russie est M. Rahman Mustafayev, qui fut ambassadeur en France avant et pendant la guerre de libération du Karabakh.
DK : En 2022, vous avez signé à Moscou une déclaration sur une coopération alliée avec le président Poutine. Depuis, le monde a radicalement changé. Que signifie aujourd’hui l’alliance entre l’Azerbaïdjan et la Russie ?
IA : Effectivement, la déclaration de coopération alliée a été signée le 22 février 2022. Et comme vous l'avez noté à juste titre, la situation dans notre région et dans le monde en général a subi des changements importants. Mais cela n'a pas affecté la nature et la forme de la coopération entre la Russie et l'Azerbaïdjan. Je crois que la signature d'une telle déclaration est une démonstration du long chemin que nous avons parcouru ensemble pendant plus de 30 ans, en travaillant activement, en augmentant le potentiel de coopération dans les domaines commercial et économique, dans le domaine politique et en nous testant mutuellement dans diverses situations difficiles. C'est pourquoi je crois que le fait même de signer une telle déclaration constitue l'étape politique la plus importante de la part de la Russie et de l'Azerbaïdjan. Il s’agit de la forme la plus élevée d’interaction et de coopération. D'autant plus que nous sommes des pays voisins, voisins à la fois dans le Caucase et dans la région caspienne, et qu'à bien des égards les priorités de politique étrangère de nos pays coïncident, alors, bien sûr, la signature d'un tel document est un événement historique.
Au cours des années qui se sont écoulées depuis la signature de la déclaration, une visite très significative et historique du président russe Vladimir Vladimirovitch Poutine en Azerbaïdjan a eu lieu au cours de l’été de cette année. Il nous a rendu visite à plusieurs reprises, mais cette visite d’État revêt un caractère particulier. Nous avons non seulement confirmé notre alliance, mais également esquissé les moyens de développer l'interaction bilatérale. Aujourd'hui, la Russie et l'Azerbaïdjan sont deux partenaires fiables, et je pense que cela ne fait aucun doute ni en Azerbaïdjan ni en Russie. Comme je l'ai dit, dans les moments difficiles pour nos pays, nous avons toujours fait preuve de compréhension de la situation et nous sommes comportés de manière amicale. Je suis sûr que cela continuera à être le cas.
Bien entendu, nous continuons activement à rechercher de nouveaux domaines de coopération commerciale et économique. Le volume des échanges commerciaux augmente, peut-être pas aussi vite que nous le souhaiterions, mais il existe néanmoins une dynamique. Nous atteignons également le niveau d'avant Covid en termes de visites des Russes en Azerbaïdjan, ce qui indique également que l'atmosphère, à la fois politique et purement humaine, est la plus positive possible, car ces voyages et visites mutuelles s'effectuent dans les régions où les gens se sentent à l'aise. Nous avons constaté une augmentation significative des visites mutuelles au cours des 2-3 dernières années. La preuve la plus manifeste est l’augmentation du nombre de vols entre nos pays. Je pense qu’il y en a au moins deux fois plus aujourd’hui qu’à l’époque soviétique.
Nous sommes donc satisfaits de l'évolution de nos relations, et je suis convaincu que cette dynamique positive se poursuivra l'année prochaine.
DK : Néanmoins, la Russie, est en situation de guerre. L’OTAN affirme que le bloc atlantique doit être prêt à affronter la Russie dans les 5 à 7 prochaines années, et elle se prépare concrètement à cette éventualité. Le ministre russe de la Défense, Andrei Belousov , a déclaré que dans 10 jours, il devrait y avoir 100 000 soldats de l'OTAN aux frontières de la Russie. Dans 30 jours ils seront 300 000 et dans 180 jours 800 000. L'OTAN prévoit de déployer des missiles à portée intermédiaire en Allemagne en 2026, malgré l'avertissement de Poutine selon lequel la Russie ne le fera pas à moins que l'OTAN ne le fasse. Ce lundi, Andrei Belousov, lors d'un conseil élargi du ministère de la Défense en présence du président, a déclaré que la Russie devait être prête à entrer en guerre contre l'OTAN au cours de la prochaine décennie. Qu’est-ce que cela signifiera pour les relations alliées entre l’Azerbaïdjan et la Russie ?
IA : Je tiens toujours à exprimer l'espoir que les choses n'aboutiront pas à une confrontation aussi évidente entre l'OTAN et la Russie. D’abord parce que chacun comprend les conséquences catastrophiques qu’aurait cette éventualité pour le monde entier, et en particulier pour les pays limitrophes de la région. Ensuite, j’espère toujours que le changement d’administration aux États-Unis entraînera également un changement dans les orientations de leur politique étrangère. On peut y croire qi on se réfère à l’expérience de la présidence de M. Trump au cours de la première période, ainsi qu’aux déclarations qui ont été faites par lui et les membres de son équipe pendant et après la campagne électorale. Imaginer un scénario dans lequel l’OTAN et la Russie se retrouveraient dans une guerre directe équivaut à imaginer une apocalypse mondiale. Il est clair qu’il n’y aura pas de gagnant dans cette guerre. Et aucun pays, même situé loin, par exemple, de la région de l’OTAN ou du territoire russe, ne se sentira en sécurité. Je pense qu’il existe suffisamment de sagesse politique à Washington et à Moscou, ainsi que dans d’autres capitales, pour garantir qu’un tel scénario cauchemardesque ne se réalisera pas.
Quant à l’Azerbaïdjan, nous traitons toutes nos obligations de la manière la plus responsable possible et ferons de même à l’avenir. Je pense que l'Azerbaïdjan peut aussi apporter sa contribution à travers un mot un peu oublié : détente. Ce mot fait désormais du lexique de la politique internationale, et j'espère qu'il sera utilisé. En raison des particularités de la politique étrangère de l’Azerbaïdjan, du fait que, tant à l’Ouest qu’à l’Est, l’Azerbaïdjan est perçu comme un acteur absolument indépendant qui mène une politique étrangère indépendante. Il n’existe en effet aucun autre pays au monde qui soit à la fois allié de la Russie et allié de la Turquie, membre de l’OTAN. À un moment ou à un autre, la médiation de l'Azerbaïdjan sera sollicitée. Une série de réunions ont eu lieu ici au niveau du chef d'état-major de l'armée russe et du chef du Comité militaire de l'OTAN. Les dirigeants militaires des États-Unis et de la Russie se sont également réunis à Bakou. Après tout, cela n’a pas été choisi par hasard. Il n’existe pas beaucoup de pays dignes de confiance en Occident, en Russie et à l’Est. Et rares sont les pays qui ne participent pas à une adhésion formelle ou informelle à des structures militaro-politiques. Nous sommes donc prêts, si nécessaire, à apporter notre contribution à la cause de la détente.
DK : En Russie, cette guerre est perçue non pas comme une guerre avec l'Ukraine, mais comme une bataille civilisationnelle avec l'Occident sur le territoire de l'Ukraine pour une nouvelle construction du monde. Dans la mesure où la paix exige qu’on prépare la guerre, puisque l'Azerbaïdjan est alliée de la Turquie, une base militaire turque est-elle nécessaire en Azerbaïdjan ?
IA : Non, ce n'est pas nécessaire. L'Azerbaïdjan est engagé dans une coopération militaire avec la Turquie depuis le rétablissement de son indépendance, début 1992. Bien sûr, les modalités de cette coopération évoluent en fonction des besoins, mais je dois dire qu'au cours de ces 30 années, la Turquie et ses structures militaires ont joué un rôle important dans la modernisation de l'armée azerbaïdjanaise et dans sa mise à niveau en termes de capacité de combat, de planification opérationnelle et d’analyse de la situation sur le potentiel du renseignement militaire. Nous sommes très reconnaissants envers nos amis turcs pour cette aide.
Dans la Déclaration d'alliance entre la Turquie et l'Azerbaïdjan, signée un an avant la Déclaration entre l'Azerbaïdjan et la Russie, il existe une clause qui prévoit une assistance militaire mutuelle en cas de menace ou d'agression. En d’autres termes, l'Azerbaïdjan et la Turquie ont l'obligation de venir à la rescousse l’un de l’autre si l'un ou l'autre pays est confronté à une menace extérieure, ou à une agression extérieure. Par conséquent, cette clause de la déclaration rend par définition inutile la création de toute infrastructure militaire permanente sur un territoire particulier.
Je voudrais revenir sur les soi-disant fuites d'informations concernant les bases militaires. Aujourd'hui, il est presque impossible de cacher une seule base militaire n'importe où dans le monde. Par conséquent, ces fuites d’informations relèvent simplement de la spéculation politique. La Turquie et nous-mêmes menons chaque année plus de 10 exercices conjoints - la moitié en Azerbaïdjan, l'autre moitié en Turquie et, en substance, nous avons atteint un haut degré d'interopérabilité dans les opérations militaires. Et bien sûr, ceci est un facteur important de stabilité dans le Caucase. Parce que le monde d’aujourd’hui et l’évolution des événements prouvent une fois de plus que le monde a radicalement changé et que les réalités et les règles du jeu qui ont été celles du lendemain de la Seconde Guerre mondiale ne fonctionnent plus aujourd’hui Le rapport de force revient une fois de plus au premier plan des aspirations politiques. Et les pays qui l’ont compris assez tôt peuvent se sentir plus en sécurité aujourd’hui. Même si dans le monde d’aujourd’hui, il est probable qu’aucun pays ne peut réellement se sentir complètement en sécurité.
DK : L'Azerbaïdjan envisage-t-il de continuer à acheter des armes russes, et en quelles quantités ?
IA : Oui, mais je dois dire que depuis au moins trois ans, aucun nouveau contrat d'achat d'armes russes n'a été signé. Et la raison en est que l’industrie de défense russe travaille d’abord pour la sécurité du pays. À ma connaissance, la Russie s’est temporairement retirée du marché international des armes, pour des raisons évidentes. Et même certains contrats signés il y a 4 ans, à la demande de la Russie, ont vu leur délai de mise en œuvre reporté. Et nous avons accepté cela, conscients de réalité de la. Mais nous surveillons également de près les nouveaux produits de l’industrie de défense russe. Nous avons déjà eu de nouvelles demandes, nous les avons adressées relativement récemment, et dès que l'industrie de défense russe sera prête, nous conclurons naturellement de nouveaux contrats. Je considère donc ce processus comme temporairement suspendu pour des raisons objectives.
DK : Nikol Pashinyan a annoncé le point de non-retour dans ses relations avec l'OTSC et intensifie ses relations avec la France. Qu’est-ce que cela signifie pour la sécurité régionale, en particulier pour l’Azerbaïdjan ?
IA : Cela signifie une menace immédiate, dont nous avons parlé à plusieurs reprises, tant publiquement que lors de mes négociations avec le Premier ministre arménien, lui faisant part de nos préoccupations. Nous avons exprimé la même préoccupation au gouvernement français et aux dirigeants des États-Unis, qui, sous l’administration Biden, ont modifié leur approche équilibrée à l’égard des pays du Caucase du Sud et ont pris la voie d’un soutien unilatéral à l’Arménie. De nombreux exemples montrent que les menaces sont très graves. Les armes que le gouvernement Macron fournit à l'Arménie sont des armes offensives qui constituent une menace concrète pour l'Azerbaïdjan. Étant donné que notre frontière avec l’Arménie s’étend sur plus d’un millier de kilomètres, que de nombreux territoires anciennement colonisés sont situées à proximité de la frontière et que d’anciens réfugiés retournent dans la plupart de ces territoires, nous ne pouvons bien entendu pas simplement être des observateurs extérieurs de ce processus. Et nous avons fait savoir à plusieurs reprises à l’Arménie et à ses protecteurs du Département d’État américain que cela devait cesser. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus ; le processus d’armement de l’Arménie avance à pas de géant. Nous surveillons autant que possible tout ce qui s'y passe. D’un point de vue technique, compte tenu de la profondeur du territoire arménien, cela n’est pas si difficile à réaliser aujourd’hui. La France est bien sûr leader sur ce sujet. L’Inde occupe la deuxième place et les États-Unis la troisième. Même si la France et l'Inde ne cachent pas le fait qu'elles fournissent des armes meurtrières à l'Arménie, et même s’en glorifient, les États-Unis ne veulent pas l’avouer. Sauf que nous avons suivi les avions de transport militaires qui atterrissaient dans les aéroports arméniens et y transportaient des armes.
Naturellement, cela nous oblige à prendre des mesures adéquates. Notre prochain budget militaire – 2025 – sera un budget record. Cela représente environ cinq milliards de dollars. Nous avons été forcés à le faire. Nous n’aurions pas dépensé au moins 60% de cette somme s’il n’y avait pas eu de telles menaces. Nous aurions utilisé ces fonds pour la restauration du Karabakh, pour les paiements sociaux, etc. Mais nous sommes obligés de le faire et nous le ferons. Je pense que c'est une voie désastreuse. Premièrement, l’Arménie ne survivra pas à la course aux armements avec nous, même si elle reçoit la plupart des armes de l’Occident gratuitement ou à crédit, lequel ne fera bien entendu aucune demande de remboursement. Mais même dans ce cas, ils ne survivront pas à la course aux armements avec nous. Ils ne doivent pas oublier les résultats de la Seconde Guerre du Karabakh et de l’opération antiterroriste de septembre 2023. Ils doivent également comprendre que, malgré le soutien maximal du régime Macron et du Département d’État américain, ici sur terre, s’ils planifient une nouvelle provocation contre nous, personne ne les aidera. Certes Macron les a aidés en 2020 ou 2023, les a tenus par la main, mais on sait très bien de quoi il est capable. C'est pourquoi nous disons et continuerons de faire savoir, tant dans le cadre du processus de négociation que dans le cadre de la commission de délimitation qui travaille entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, ainsi qu'aux groupes de arméniens à Washington, qu'il faut mettre un terme à cela. Mais si cela continue ainsi, on ne pourra pas nous reprocher plus tard de ne pas les avoir avertis.
DK : Mais à un moment donné, il semblait qu'un traité de paix était imminent. Pourquoi n’est-il pas conclu ? Nous nous sommes littéralement tenus sur la pointe des pieds.
IA : Oui. Ces deux processus sont en quelque sorte séparés en Occident. Même si nous pensons que ces deux processus doivent être intégrés. Un traité de paix et l’armement simultané de l’Arménie contre nous sont incompatibles. Après tout, nous avons fait de grands progrès dans le cadre du traité de paix. Sur les 17 articles de ce document, 15 ont été approuvés, il en reste deux. Et lors de ma dernière rencontre avec le Premier ministre arménien à Kazan, ce que j'ai entendu et ressenti, c'est que ces deux articles en litige pourraient également être acceptés par l'Arménie, je veux dire nos conditions.
DK : De quels articles, s’agit-il exactement ?
IA : L'un d'eux concerne l'abstention de toute revendication territoriale les uns envers les autres. Je pense que c'est un article mutuellement acceptable. Nous avons récemment réalisé une analyse des dommages causés, une analyse détaillée qui plus est. Nous avons passé 4 ans sur ce sujet, et tout est documenté. Cela représente environ 150 milliards de dollars de dégâts causés au cours des années d'occupation. Par conséquent, s'abstenir de réclamations mutuelles , je pense que cela serait mutuellement acceptable. L’autre article concerne le non-placement de représentants d'autres pays à notre frontière. Pourquoi est-ce important pour nous ? Parce que, sous le couvert de soi-disant observateurs européens, une infrastructure de l’OTAN a été créée à notre frontière, du côté arménien. Après tout, la question de l'envoi de ces observateurs a été convenue avec nous en octobre 2022 lors d'une réunion quadripartite entre Pashinyan, le président du Conseil européen Charles Michel, le président français et moi-même. A cette époque, nous n’avions pas encore exclu la France du processus de normalisation. Et il a été convenu que pendant deux mois, un contingent limité de représentants de l'Union européenne...
DK : Justement des observateurs...
IA : Précisément des observateurs. 40 personnes seront présentes pendant deux mois. Après cela, cette mission a été prolongée sans coordination avec nous. Le prétexte invoqué était : « Pourquoi se coordonner avec vous, c'est une mission sur le territoire de l'Arménie ? » Et notre réponse fut la suivante : « Lorsque nous étions d’accord avec vous, vous considériez qu’il fallait vous coordonner avec vous, et quand nous émettons une objections, alors, cela ne nous concerne plus ».
Par ailleurs, le nombre des « observateurs » a augmenté jusqu’à plus de 200 personnes. Enfin, cette mission s'est transformée en douceur en mission de l'OTAN, puisque des représentants du Canada y ont participé. Voilà donc le deuxième article sur lequel il faut se mettre d’accord.
La partie arménienne doit encore souligner deux autres points. La première chose est de modifier sa constitution. Parce que dans cette Constitution, il y a une référence à la Déclaration d'indépendance, qui, à son tour, contient des revendications territoriales sur l'Azerbaïdjan, qui déclare l'ancienne région autonome du Haut-Karabakh comme faisant partie de l'Arménie. Par conséquent, exiger le changement dans la Constitution n’est pas un caprice de notre part, c’est simplement une condition évidente.
Notre deuxième condition est la liquidation du Groupe de Minsk de l’OSCE. Puisque cette question est résolue par consensus, il est formellement impossible de le faire sans le consentement de l'Arménie. Même si le Groupe de Minsk de l'OSCE n'est plus opérationnel depuis longtemps, il existe de manière formelle, et notre question est la suivante : si l'Arménie a reconnu le Karabakh comme faisant partie de l'Azerbaïdjan et que le Groupe de Minsk a été créé pour résoudre la question du Karabakh, pourquoi est-il encore nécessaire ? Autrement dit, la réticence de l’Arménie à demander à l’OSCE de liquider le Groupe de Minsk, indique que les plans des revanchistes sont encore très présents. Si tout cela est résolu, il n’y aura plus d’obstacles à la signature d’un traité de paix.
Quant à la course aux armements en cours, elle ne peut bien entendu pas faire partie du traité de paix, mais elle fera partie d’un format différent d’interaction avec l’Arménie. Nous continuerons à essayer de faire comprendre à la partie arménienne le caractère nocif de tels actes.
DK : Reste-t-il des Arméniens au Karabakh ?
IA : Il y a environ deux mois, les dernières informations indiquaient qu'environ 20 résidents de nationalité arménienne y vivaient. Avant même de mener une opération antiterroriste d'une journée en septembre 2023, nous avons officiellement publié un plan pour la réintégration des Arméniens du Karabakh dans l'État azerbaïdjanais. Cela a été fait publiquement. Mais nos nombreuses tentatives pour établir des contacts avec des représentants de la population d’origine arménienne ont échoué. Ils n’ont pas voulu nous rencontrer, n’ont pas voulu nous parler. Afin d’attirer l’attention de ceux qui vivent dans cette région, nous avons exposé nos propositions sur Internet. Tout y est clairement expliqué, tout le monde peut le consulter, de l'éducation à la préservation de l'environnement culturel, en passant par la réintégration, les parcours d'intégration, la demande de permis de séjour, la demande de citoyenneté ou de permis de travail.
Maintenant, après tout cela, si quelqu’un pense encore vivre dans un imaginaire « République du Haut-Karabakh », c’est son affaire. Si une personne veut quitter l'Azerbaïdjan pour travailler en Russie, elle reçoit un permis de séjour ou un permis de travail, s'inscrit, puis demande la citoyenneté. C'est le processus. Et nous avons proposé cela, mais tout a été rejeté. Ceux qui sont restés là-bas - ils n'étaient pas nombreux, environ plus de 30 personnes, certains sont partis plus tard - mais ceux qui sont restés reçoivent toujours l'aide sociale de l'Azerbaïdjan, du ministère du Travail et de la Protection sociale. Leur vie sur place, leur approvisionnement en nourriture, y sont pleinement sécurisés.
Parallèlement, la communauté des Arméniens d’origine azerbaïdjanaise qui ont été expulsés d’Arménie à la fin des années 80 et au début des années 90, soit environ 300 000 Azerbaïdjanais, a officiellement fait appel aux dirigeants arméniens afin que de telles conditions soient créées pour leur retour et leur réintégration.
Le fait que ces personnes en aient été expulsés au début des années 1990 ne signifie pas qu’ils n’ont pas le droit de revenir en Arménie. Or nous n'avons toujours pas reçu de réponse des dirigeants arméniens sur la manière dont ils envisagent le processus de réintégration des Azerbaïdjanais sur leurs terres historiques. Je pense que si ces deux processus suivent un cours parallèle, cela créera une atmosphère sociale encore meilleure pour le monde. Parce que la paix n’est pas seulement la signature d’un traité de paix, c’est aussi un consensus public. Et les blessures qui nous ont été infligées pendant les années d'occupation ne sont pas encore guéries, 30 ans après. Autrement dit, cela prend du temps. Et pour cela, il faut échanger, communiquer, parler le langage de la bienveillance.
DK : Les entreprises russes participent-elles à la restauration du Karabakh ? Parlez-nous-en.
IA : Oui, un projet de construction d'un jardin d'enfants a récemment été lancé au nom du gouverneur de la région d'Astrakhan. Celui-ci nous a récemment rendu visite et a également visité le district de Gubadli, où une infrastructure sociale de ce type est en cours de construction. Nous sommes donc très reconnaissants de cette attention. Plusieurs entreprises russes sont impliquées en tant que fournisseurs de biens et de services pour la restauration. Il y a aussi des entrepreneurs russes, mais je ne dirais pas qu’ils sont nombreux. Je pense que leur nombre pourrait être plus important, car l'ampleur des travaux de restauration est assez vaste et cela concerne tout d'abord les projets d'infrastructure, les routes, les voies ferrées, les tunnels, les ponts, et il existe de nombreuses entreprises russes qui ont une bonne expérience dans ce domaine.
Il y a également d’autres projets d’investissement, comme celui initié par Tatarstan. Il s'agit du centre de service Kamaz dans la région de Jebrail, qui a été ouvert par le président du Tatarstan et moi-même. Je vais d’ailleurs avoir aujourd'hui une nouvelle réunion avec lui. La délégation du Tatarstan est à Bakou. Le premier projet d’investissement était russe, et nous en attendons d’autres.
DK : L’Azerbaïdjan a-t-il besoin d’une centrale nucléaire ?
IA : Je vais révéler un peu de notre agenda énergétique pour que le public puisse comprendre où nous en sommes et ce que nous faisons. Les réserves connues de gaz naturel en Azerbaïdjan s'élèvent à 2 600 milliards de mètres cubes. Compte tenu du fait qu'en 30 ans, le gisement pétrolier que nous développons, selon les nouvelles réserves estimées, est passé de 500 millions de tonnes à un milliard et demi de tonnes, on peut en dire autant de notre gaz et les champs de condensats de gaz. Autrement dit, les réserves estimées il y a dix ans étaient de 2 600 milliards. Il est clair qu’avec un tel potentiel et un volume d’exportation de 25 milliards de mètres cubes, nous n’avons pas besoin de sources d’énergie supplémentaires. De plus, au Karabakh et à l'est du Zanguezur, au cours des trois dernières années, nous avons déjà mis en œuvre des projets visant à créer de petites centrales hydroélectriques d'environ 300 mégawatts, et dans 2 ans, ce sera 500. De plus, nous développons activement l'énergie solaire et éolienne grâce à investissements étrangers. Les estimations de la Banque mondiale concernant les réserves d'énergie éolienne dans la seule mer Caspienne s'élèvent à 157 000 mégawatts. D'ici 2030, les contrats déjà signés et ceux en cours nous donneront 6 mille mégawatts. Autrement dit, cela fait partie de la réponse à la question de savoir si nous avons besoin d’une centrale nucléaire. Je vais maintenant passer à une autre partie de la réponse, et je pense que ce sera intéressant.
Le nucléaire est un secteur économique à lui tout seul. Un secteur à haut potentiel, générateur d’emplois, mais c’est un secteur qui est nouveau pour nous. Cette branche industrielle est en développement dans le monde entier, et je nous ne voulons pas être à la traîne.
C'est pourquoi j'ai déjà donné des instructions pour étudier la possibilité de structures expérimentales, scientifiques, des mini-réacteurs, afin de voir ce que cela peut nous apporter exactement sous cet angle.
Étant donné que cette initiative est coûteuse, et compte tenu du fait que les projets d'énergie solaire et éolienne en Azerbaïdjan sont réalisés par des investisseurs étrangers, l'État n'y investit rien et reçoit simplement ce potentiel, nous serions donc particulièrement intéressés par des projets d'investissement. Si une entreprise d'un pays quelconque manifeste un intérêt dans ce domaine, nous pourrions également être co-investisseurs. Je pense que cela pourrait être un bon projet d’investissement. Dans les jours à venir, probablement dans les semaines ou peut-être quelques mois, l'étude de faisabilité pour la construction d'un câble électrique allant d'ici, d'Azerbaïdjan, vers l'Europe par le fond de la mer Noire sera achevée. À ce stade initial, cela représente 4 000 mégawatts, mais compte tenu des besoins énergétiques des pays européens, même en tenant compte du fait qu'ils investissent eux-mêmes beaucoup, nous savons qu'ils seront néanmoins en déficit. Par conséquent, des sources supplémentaires d'énergie propre et verte leur seront nécessaires. Cela pourrait donc être un bon moteur. De plus, les prix de l'électricité en Azerbaïdjan sont tels que les investissements dans ce secteur et la vente d'électricité aux consommateurs sont tout à fait acceptables d'un point de vue commercial. Voilà donc comment j'ai essayé de répondre à la question. Ce n'est ni un oui, ni un non. C'est plutôt un oui, mais... Et c'est là que commence notre travail.
DK : L'Azerbaïdjan a récemment accueilli la COP29. Quelles difficultés avez-vous rencontrées et quels ont été les principaux résultats de ce sommet ?
IA : La principale difficulté était que nous étions limités dans le temps. En règle générale, les pays disposent de deux ans pour se préparer. Dans notre cas, c'était 11 mois. Cela était dû au fait que 2 à 3 jours avant que la décision ne soit prise en décembre de l’année dernière, l’Arménie bloquait toujours la candidature de l’Azerbaïdjan. Et comme il n’y a pas eu de consensus, la question de savoir si la COP29 aura lieu ou non à Bakou a été tranchée les derniers jours. Il a fallu créer des lieux pour pouvoir en recevoir plus de 70 000 participants inscrits, alors que nous n’avions pas encore le fonds hôtelier capable de recevoir une telle quantité d’hôtes. Ce fut un énorme travail d’organisation et nous avons relevé le défi. Pendant toute la durée de cette conférence, il n’y a eu que10 plaintes contre l'organisation, qui ont été immédiatement résolues et, comme on dit, les invités étaient tous satisfaits.
La deuxième difficulté, si on peut l'appeler ainsi, je dirais que c'est plus un certain inconfort, était un sentiment d'agression complètement injustifié, une sorte de rancœur mêlée à de la jalousie et à une certaine incompréhension envers l'Azerbaïdjan, comme s’il était étrange qu'un tel pays ait soudainement accueilli une telle conférence. Nous avons été qualifiés de "pays pétrolier" dans divers médias occidentaux. Bien qu'en principe, il n'y ait rien de mal là-dedans, lors de mon discours d'ouverture, j'ai dit que si nous avions été appelés "pays pétrolier" au XIXe siècle, lorsque nous fournissions plus de 50 % de l'huile mondiale, cela aurait été normal. Mais aujourd'hui, quand un pays qui produit presque un milliard de tonnes de pétrole, je parle des États-Unis, par rapport à nos 30 millions, nous qualifient de "pays pétrolier"...
DK : Trente millions ?
IA : Oui, notre production de pétrole est d'environ 30 millions seulement. Quand le voisin de ce pays, je parle du Canada, produit 10 fois plus de pétrole que nous, il est injuste de nous appeler "pays pétrolier". Mais ce groupe de fake news – ce n'est d'ailleurs pas mon expression, je l’ai simplement emprunté cela à Donald Trump, mails elle me plaît beaucoup, ce "quatuor mensonger", comme nous les appelons, Washington Post, New York Times, Figaro et Le Monde , plus quelques lèche-bottes du département d'État, qui se présentent sous la forme de diverses organisations non gouvernementales, ont lancé une campagne de discrédit, avec des attaques quotidiennes. Chaque jour, au moins deux douzaines d’articles paraissaient, ne provoquant chez nous qu’ un sentiment de dégoût, de répulsion.
Dernière difficulté, celle bien sûr, d'obtenir des résultats, car nous ne sommes pas un acteur global dans ce domaine. La part de l'Azerbaïdjan dans les émissions de gaz globales est de 0,1 %, tandis que celle des États-Unis est de 12, et celle de l'Union européenne est encore plus importante.
DK : Une réalité qu’ils sous-estiment.
IA : Qu’ils sous-estiment considérablement. Je prends simplement des chiffres qui sont, disons, officiels. C'est pourquoi nous avons bien sûr utilisé toute notre expérience diplomatique et, en premier lieu, notre expérience de présidence du Mouvement des non-alignés. Il y a tout de même 120 pays. Notre expérience de membre actif de l'Organisation de la coopération islamique était également utile pour établir des ponts et obtenir des résultats. Cela n'a pas été facile. Mais ce n’est pas pour rien que nous appelons cette conférence la « Percée de Bakou », car nous avons réussi à nous mettre d’accord sur l’article 6 de l’Accord de Paris, discuté depuis 2015. Autrement dit, la question des marchés du carbone n’a pas fait l’objet d’un accord depuis près de 10 ans. Ici, à Bakou, nous y avons réussi, et il est devenu fonctionnel. Cela permettra aux pays de vendre des quotas et ainsi de tenter de maintenir les émissions mondiales dans les limites souhaitées.
Et le deuxième point, que certains ont considéré comme un échec, mais que je considère comme un succès, c'est que nous avons réussi à nous mettre d’accord sur le montant des dépenses annuelles pour les questions climatiques. Ce montant est de 300 milliards de dollars. La demande était de 1000 milliards. Mais il était évident qu'aucun pays n'était prêt à donner cette somme. Cependant, si l'on part du principe que le chiffre précédemment convenu était de 100 milliards, et ici nous en avons 300, on ne peut pas vraiment appeler cela un échec.
Quatorze initiatives ont été proposées par l'Azerbaïdjan. L'absolue majorité des pays a rejoint ces initiatives, à l'exception de pays comme la France et le Luxembourg. Pourquoi la France ? c'est compréhensible. Pourquoi le Luxembourg, suivant la France, probablement aussi. Voilà comment je qualifierais cette conférence. Et bien sûr, 197 pays , 80 chefs d'État et de gouvernement, 76 000 participants inscrits. Et cela sur fond de tentatives de boycott. Ce n’est pas si mal !
DK : Vous avez vous-même mentionné la France et la façon dont l'Azerbaïdjan est confronté à l’avalanche de fake news. Le président français s'est même permis des attaques contre l'Azerbaïdjan à l'Assemblée générale de l'ONU. En réponse, vous avez rappelé les territoires français d’outre-mer, confrontés à un véritable néocolonialisme. Puis Josep Borrell est intervenu et a attaqué de son côté l’Azerbaïdjan. Quoi, on ne peut pas critiquer l'Europe ? Quel est le problème ? Que se passe-t-il ?
IA : Ils ne sont pas habitués à ce que quelqu'un leur enseigne la justice. Ils sont habitués à enseigner aux autres. Ils sont habitués à ce qu'on s'incline devant eux, qu'on leur demande quelque chose, qu'on les consulte, qu'on ne fasse rien sans leur autorisation. C'est ainsi que ces anciens pays coloniaux, et maintenant certains pays néocoloniaux, sont habitués à vivre et à penser, et cela est profondément ancré dans leur conscience. En principe, nous n'avons jamais eu de problèmes avec la France. Je vous dirai même que peut-être avec la France, nous avons collaboré plus qu'avec tout autre pays européen, avant l'arrivée de Macron au pouvoir. Mon père, lorsqu'il a été élu président en 1993, a effectué sa première visite officielle en France. Parce que la France a été la première à l'inviter. Lorsque je suis devenu président en 2003, le premier pays qui m'a invité était aussi la France, et ma première visite a été là-bas. Ensuite, nous avons collaboré activement, de nombreuses entreprises françaises ont travaillé ici. Nous avons établi des partenariats entre notre ville et 13 villes françaises.
DK : Des partenariats ?
IA : Oui, bien sûr. Mais ces ambitions démesurées et cette obsession de grandeur injustifiée du gouvernement Macron ont, en essence, tout précipité dans l'abîme. Parce que lorsque la seconde guerre du Karabakh a commencé et que les autorités françaises ont clairement pris le parti des occupants, c'était le premier signal qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas dans nos relations. Ensuite, elles ont été contraintes d'accepter ces résultats. Néanmoins, elles ont continué à tout faire pour nuire au processus. M. Barnier, ancien premier ministre récemment démissionnaire, a illégalement visité le Karabakh en tant qu’homme politique français, après 2020. Toutes ces tentatives d'ingérence ont conduit nos relations à plonger dans une crise. Et ce n'est pas tout. Après septembre 2023, la France a tenté cinq fois de soumettre cette question au Conseil de sécurité et a échoué cinq fois. Le nombre de pays qui nous soutenait ne lui ont même pas permis de mettre cette question à l'ordre du jour de la réunion. Ensuite, elle a tenté une autre stratégie en entraînant l'Union européenne à tenter de sanctionner l'Azerbaïdjan. Pour quelle raison ? Pour avoir rétabli notre souveraineté ? Là encore ils ont échoué. Eh bien, à ce moment-là, comme on dit, ils se sont complètement enflammés contre nous et utilisent maintenant tous les moyens pour nous discréditer.
Quant à l’évocation du passé colonial de la France, certains le perçoivent comme une réponse du berger à la bergère, mais je pense que cela revêt peut-être un caractère plus profond. Si au tout début, cela pouvait être vu de cette façon, maintenant, alors que nous nous sommes profondément immergés dans ce sujet, que nous voyons le visage répugnant du colonialisme français, que nos représentants communiquent activement avec les habitants des colonies françaises, tant dans leur pays qu'à Bakou et dans d'autres lieux, nous voyons en fait ce qui avait été caché au public mondial pendant tant d'années. Et pourquoi ? Parce que personne ne voulait s'en mêler. Personne ne voulait se prendre la tête avec cette question. Parce qu'ils font du chantage. Même à nous, lorsque nos relations sont entrées dans une phase de guerre froide, au début, nous recevions des messages disant : « N'oubliez pas que nous sommes un grand pays. »
DK : Vous avez mentionné que quelque chose de caché. De quoi s’agit-il ?
IA : L'exploitation impitoyable des ressources naturelles., bien sûr.
DK : Vous voulez parler de la Nouvelle-Calédonie ?
IA : Pas seulement. Il y a, à mon avis, treize ou quinze pays comme la Nouvelle-Calédonie. Récemment, un cyclone s’est abattu sur l'une d'entre elles, l'île de Mayotte. Euronews a rapporté que 75% de la population de l'île de Mayotte vit en dessous du seuil de pauvreté. 30 à 40% des logements sont insalubres. Et pourtant, c'est légalement le territoire de la France, bien qu'elle fasse partie des îles Comores. En réalité, c’est l'une des îles de l'État des Comores. Et la France la détient illégalement. Et de quel droit ?
En Nouvelle-Calédonie, ils ont tué 13 personnes, en ont blessé plus de 100 et en ont arrêté plus de 1 000 lors des émeutes. De plus, les leaders du soulèvement populaire ont été emmenés en France et détenus en prison. Voilà ce qu’est la dictature de Macron. Et quand j’en parle, bien sûr, ils me lancent tous leurs « chiens de garde » sous la forme d’organisations non gouvernementales ou de médias. Autrement dit, si encore une fois nous, je veux dire le public azerbaïdjanais, avons commencé à maintenir ce sujet à l'ordre du jour en guise de réponse, tout est maintenant beaucoup plus sérieux. Naturellement, nous avons mal au cœur pour ces peuples impuissants. Que dire de la Nouvelle-Calédonie, quand ici, au centre de l'Europe, en Corse, la langue corse ne peut pas être utilisée dans les lieux publics. Est-ce cela la démocratie ? En d’autres termes, la France était peut-être autrefois un grand pays, un pays de grands penseurs, de grands scientifiques et d'écrivains. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Aujourd’hui, le régime Macron est en train de transformer la France en un État en faillite. Quelques exemples : l'échec en Afrique, dans la région du Sahel. Au Niger, au Burkina Faso, au Mali, ensuite le Tchad, on a déjà demandé aux Français de partir, puis au Sénégal, où le président a changé et où un homme d'esprit national est arrivé. Et ce n'est que le début. Échec au Liban, échec en Azerbaïdjan, échec en Géorgie. Et puis regardez ce qui se passe en politique intérieure. Une valse. Un nouveau Premier ministre est nommé, et son mari ou sa femme, je ne sais pas qui est qui, devient ministre des Affaires étrangères. Ensuite, en raison de l'échec aux élections du Parlement européen, ils en font des boucs émissaires. Ils sortent de leur chapeau Barnier, qui est aussi utilisé comme bouc émissaire. Maintenant, ils trouvent quelqu'un d'autre. Ne vaudrait-il pas mieux commencer par soi-même ? Comme on le disait autrefois, à l'époque soviétique, « commencer par l'autocritique ». Eh bien, regardez, Moody's abaisse les notations de la France mois après mois. De triple A, c'est maitenant un petit A. Petit, tout petit !
DK : Il y a une dette extérieure énorme.
IA : Là encore, échec. Et qui est l'auteur de cet échec ? Monsieur Macron. Voilà à quoi il faut réfléchir, et non pas à la manière de nuire à l'Azerbaïdjan. Ils se sont déjà cassé leurs dents sur nous. Qu'ils gardent au moins celles qui leur restent.
DK : Comment évalueriez-vous ce qui se passe actuellement en Géorgie ?
IA : En Géorgie, je vois que la situation se stabilise. Et nous en sommes contents. La Géorgie est pour nous un partenaire essentiel et un ami proche. Pendant des siècles, nos peuples ont vécu en paix et en harmonie, donc la déstabilisation ou la menace de déstabilisation de la Géorgie est aussi nuisible pour l'Azerbaïdjan que pour la Géorgie elle-même. C'est pourquoi nous faisons tout pour que la situation en Géorgie soit stable sur le plan politique et que la Géorgie se développe avec succès.
En revenant à l'influence extérieure, il s'est avéré qu'il existe des milliers d'organisations non gouvernementales en Géorgie qui reçoivent un financement de l'Occident. Et les personnes qui travaillent dans ces organisations ou qui y perçoivent un salaire sont probablement des dizaines de milliers, voire plus. Et nous savons ce que cela signifie.
Il y a eu une période ici, dans notre pays, où les bénéficiaires de subventions et les donateurs de subventions se sentaient à l'aise, mais nous avons mis fin à cela. Ainsi, toute subvention accordée par une quelconque structure, qu'elle soit azerbaïdjanaise ou étrangère, doit être enregistrée, et les autorités compétentes examinent si elles doivent l'autoriser ou non.
DK : Cela correspond-il aux intérêts nationaux de l'Azerbaïdjan ?
- Oui, naturellement. Et en second lieu, l'aide doit être non intrusive. Parce que l'administration Biden, qu'est-ce qu'elle laissera dans l'histoire ? Beaucoup de choses, mais notamment cela : l'intrusivité. « Nous voulons vous aider. » Et nous disons : « Merci, pas besoin. » Ils ont une structure appelée USAID, qui veut soi-disant apporter de l’aide, mais pour une raison quelconque, elle n'aide pas là où nous en avons besoin."
DK : C'est interdit en Russie.
IA : Ce n'est pas encore interdit ici. Mais je pense que Trump pourrait l’interdire. Vous l'avez interdit en Russie et vous avez bien fait. Ils reviennent en permanence à la charge pour nous proposer de l’aide. Mais nous sommes des adultes, et ne sommes pas dupes. C'est pourquoi nous avons pris des mesures. Par exemple, les médias azerbaïdjanais ne peuvent pas être financés par une source étrangère, même à hauteur d'un pour cent. Ils ne le peuvent pas. Pourquoi ? Nous ne finançons pas les médias aux États-Unis, n'est-ce pas ? Pourquoi devraient-ils financer nos médias ? Et ainsi, à travers leurs outils de propagande telles que « Voice of America » et « Radio Liberty », ils déversent jour et nuit des saletés sur notre peuple, sur notre pays, jetant une ombre sur notre victoire dans la guerre avec l’Arménie. Par conséquent, il me semble qu'un certain temps a été perdu en Géorgie pour rationaliser cela, et lorsque cela a été fait, le train était déjà parti. Mais il est bon que la situation évolue déjà vers la stabilité. Eh bien, encore une fois, voyez-vous, les oreilles de Macron sont à nouveau dressées. Cet homme ne peut pas rester dans son propre pays. Il doit absolument entrer en Géorgie. Et ce que nous avons vu lors de cette cérémonie dans la cathédrale Notre-Dame. Le pape François a ignoré la cérémonie ; il n’a bien sûr pas pardonné à Macron cette honte olympique. Et il a fait ce qu’il fallait. Il est allé en Corse. Comme pour appuyer là où ça fait mal.
Pour en revenir à la question de la Géorgie, c’est une question beaucoup plus large qu'il n'y paraît. C'est pourquoi ceux qui sont généralement mis en avant pour articuler les sanctions, c'est-à-dire les pays, agissent ainsi. Parce que, si l'on peut le dire par analogie, c'est une bataille pour le Caucase. On comprend bien où va l'Arménie. En fait, elle est de facto sortie de l'OTSC. D'après nos renseignements, la seule raison pour laquelle elle n’en sort pas de jure, c'est qu'elle n'a pas encore reçu le feu vert du département d'État. Dès qu'elle l'obtiendra, elle sortira. L'Azerbaïdjan est un acteur autonome et suffisamment qualifié, capable de se défendre. Donc la Géorgie est un facteur important dans la bataille pour le Caucase. Quel type sera-t-il ? Sera-t-il traditionnel, basé sur nos valeurs caucasiennes ?
À propos de Borrell, je l'ai quelque peu négligé. Je veux lui envoyer encore quelques signaux. Bien que j'en ai parlé lors de l'un de mes discours à la COP, j'ai même cité Borrell, qui a dit que l'Europe est un jardin fleuri, et que tout le reste est une jungle. Et j'ai dit que si nous sommes la jungle, tenez-vous loin de nous. Je crois que si Borrell avait vécu quelques décennies plus tôt, il aurait été un bon ministre des Affaires étrangères du dictateur Franco. Il a simplement eu la malchance de vivre à une autre époque.
DK : L'Azerbaïdjan est considéré comme le pays le plus russophone du Caucase, ce qui est d'ailleurs confirmé par des études de l'Institut de la langue russe Pouchkine. La langue russe est pour vous une préoccupation particulière. Comment réussissez-vous cela et qu'est-ce que cela apporte à l'Azerbaïdjan ?
IA : C'est facile, car elle est demandée dans la société, et il n'y a jamais eu de restrictions, en tout cas durant la période de mon père et durant ma période, il n'y en avait pas et il n'y en aura pas. Au contraire, nous faisons tout pour créer les meilleures conditions pour que les gens connaissent mieux la langue russe, qu'ils la maîtrisent parfaitement. Nous avons plus de 320 écoles dispensant un enseignement en russe. En tout, environ un million de nos élèves apprennent ou étudient la langue russe comme deuxième langue. Il existe deux universités russophone - l'Université d'État de Moscou et l'Académie Sétchenov. Des troupes créatives, principalement des théâtres, viennent nous visiter régulièrement. Donc la langue russe est demandée, elle vit, elle sse porte bien. Qu'est-ce que cela apporte ? Eh bien, tout d'abord, d'un point de vue pratique, connaître une langue, c'est enrichissant. Et une bonne maîtrise de la langue vous permet de plonger pleinement dans la littérature et dans certaines recherches scientifiques. En effet, nos chercheurs, par exemple, obtiennent beaucoup d'informations de sources russes. Cela permet à nos gens de communiquer avec leurs amis et collègues non seulement russes, mais aussi dans d'autres pays de la CEI. Donc, c'est à travers la langue russe que cette communication se fait. Avec les présidents de tous les pays de la CEI, je parle avec les présidents en russe. Nos équipes communiquent en russe. Lorsque nous nous rencontrons, nous parlons en russe. Voilà ce que cela apporte. Et bien sûr, c'est aussi un facteur de confort pour la communauté russe en Azerbaïdjan. C'est l'un des facteurs positifs dans les relations interétatiques entre nos pays. Et cela montre que, encore une fois, en revenant partiellement à ce dont nous avons parlé : cette attitude envers la langue russe ne porte absolument pas atteinte à la langue azerbaïdjanaise, à notre identité ou à notre culture. Absolument. Au contraire, cela crée une atmosphère amicale. Ce n'est pas un hasard si nous pouvons nous distinguer non seulement dans ce cas, mais aussi dans la façon dont se déroulent les questions d'interaction interreligieuse et de liens interculturels. Ce n'est pas un hasard si Bakou est l'endroit où se tient le Forum mondial sur le dialogue interculturel. Tout est interconnecté. Je pense que notre politique a prouvé sa justesse. Et ceux qui essaient de discriminer la langue pour des raisons politiques commettent une grave erreur.