QUEL BILAN TIRER DU SOMMET UE-ASIE CENTRALE TENU EN OUZBÉKISTAN ?

Paris / La Gazette
Le sommet inaugural Union européenne - Asie centrale qui s'est tenu en avril à Samarkand, en Ouzbékistan, était le premier du genre pour les deux parties et a été considéré comme un moyen d'accroître l'influence de l'Union dans la région. Dans un contexte de concurrence croissante entre grandes puissances pour la connectivité eurasienne, Bruxelles cherchait à s'assurer une assise plus solide.
Le résultat le plus tangible a été le paquet d'aide de 12 milliards d'euros (13,6 milliards de dollars) de l'UE, qui vise à soutenir l'expansion des routes commerciales, le secteur minier et la connectivité numérique dans toute l'Asie centrale. Les détails concernant la manière dont les fonds seront distribués, ou comment ils sont liés aux 10 milliards d'euros d'aide au développement promis lors du Forum des investisseurs de la passerelle mondiale 2024, sont peu nombreux.
Ce que l'on sait pour l'instant, c'est que sur les 12 milliards d'euros, 3 milliards seront consacrés au secteur des transports, 6,4 milliards à des projets énergétiques et 100 millions au développement de l'Internet par satellite. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) dispose également d'une réserve de projets d'une valeur de 7 à 8 milliards d'euros prévus jusqu'en 2027, mais aucun détail n'a été communiqué.
L'Asie centrale, qui comprend le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan, est vitale pour l'UE en tant que partenaire clé dans le développement du corridor de transport transcaspien (ou corridor médian) en concurrence avec l'énorme initiative chinoise "La Ceinture et La Route".
L'objectif est de réduire de moitié le transport de marchandises entre l'Europe et l'Asie centrale, en contournant la Russie, pour le ramener à 15 jours. L'UE est déjà le premier investisseur étranger en Asie centrale, avec 40 % de l'ensemble des investissements étrangers directs, et les capitales d'Asie centrale sont intéressées par une coopération plus étroite.
Lors du sommet, le président ouzbek Shavkat Mirziyoyev a déclaré qu'un accord avait été conclu pour l'ouverture d'un bureau de la Banque européenne d'investissement (BEI) et a annoncé la ratification d'un projet visant à fournir de l'électricité à l'Europe à partir de l'Asie centrale.
Le président tadjik Emomali Rahmon a déclaré qu'il comptait sur les préférences commerciales et les investissements de l'UE, tandis que le président kazakh Kassym-Jomart Tokayev a martelé que son pays, qui représente 13 % des importations de pétrole de l'UE, était prêt à accroître ce flux. Le Kazakhstan a également annoncé le début d'une collaboration avec l'Ouzbékistan et l'Azerbaïdjan pour la construction d'une ligne de transport d'énergie verte traversant la mer Caspienne afin d'améliorer l'accès aux marchés européens.
La date du sommet a mis l'accent sur les matériaux à base de terres rares, un autre élément essentiel de la coopération. Alors que les États-Unis, la Russie et la Chine s'efforcent de se partager (et de politiser) les réserves de ces ressources convoitées, l'UE considère l'Asie centrale comme une source potentielle.
M. Tokayev a laissé entendre que le Kazakhstan produisait 19 des 34 matières premières dont l'UE a besoin, tandis que M. Mirziyoyev a promis de renforcer la coopération entre l'Ouzbékistan et l'Union européenne dans le domaine du développement des ressources minérales essentielles.
Malgré ces déclarations, le sommet n'a pas permis d'obtenir d'autres résultats concrets et aucune annonce majeure n'a été faite, ce qui en fait plus un point de départ symbolique qu'un moment de percée. La déclaration commune des dirigeants comportait 20 points, réaffirmant largement les priorités existantes et les intérêts communs.
Bien qu'il contienne des engagements sur l'évolution des relations vers un "partenariat stratégique", le document ne contient pas de précisions sur les prochaines étapes. Il réaffirme également l'importance d'une feuille de route commune pour l'approfondissement des liens entre les deux parties, adoptée pour la première fois en 2023.
Les dirigeants d'Asie centrale, habitués à être courtisés par les gouvernements asiatiques et les capitales européennes, ont apparemment manqué d'enthousiasme. L'argent proposé par l'UE n'a pas non plus semblé les impressionner, la Chine et le Conseil de coopération du Golfe offrant davantage et agissant plus rapidement.
L'efficacité de l'engagement de l'UE en Asie centrale dépend également de la manière dont elle se comporte dans le Sud-Caucase, qui sert de pont géographique vital. Les relations de Bruxelles avec la Géorgie et l'Azerbaïdjan sont loin d'être bonnes, et même si les impératifs géopolitiques peuvent pousser les parties à aplanir leurs divergences, un accord est loin d'être acquis.
L'impression générale qui se dégage du sommet est que, tout en mettant l'accent sur la volonté politique et en réaffirmant des objectifs plus larges, il n'a pas réussi à faire correspondre ces ambitions à des actions réalisables.
En fin de compte, la question est de savoir si l'UE peut devenir un acteur géopolitique efficace. Sa commission géopolitique, instituée en 2019 avec pour mission de répondre à la concurrence des grandes puissances, n'a jusqu'à présent produit que peu de résultats.
Le bloc a besoin de plus de rapidité et de dextérité dans sa politique étrangère.
Une nouvelle ère de concurrence entre grandes puissances n'est peut-être pas le meilleur moment pour la projection de puissance douce, mais pour être efficace en Asie centrale, l'UE doit mettre en avant ses atouts en tant que source d'investissements de qualité et partenaire commercial et énergétique. Le sommet inaugural a montré qu'il restait du travail à faire.