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L'EAU, UNE RESSOURCE PRÉCIEUSE : COMMENT L'EAU POTABLE FAÇONNE L'AVENIR DE L'ASIE CENTRALE

3 Septembre 2024 06:48 (UTC+01:00)
L'EAU, UNE RESSOURCE PRÉCIEUSE : COMMENT L'EAU POTABLE FAÇONNE L'AVENIR DE L'ASIE CENTRALE
L'EAU, UNE RESSOURCE PRÉCIEUSE : COMMENT L'EAU POTABLE FAÇONNE L'AVENIR DE L'ASIE CENTRALE

Paris / La Gazette

L'Asie centrale, composée de pays comme le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan et le Tadjikistan, se trouve aujourd'hui confrontée à des défis majeurs en matière d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement.

La situation hydrologique complexe, couplée à une croissance démographique rapide, une urbanisation galopante et les effets du changement climatique, exerce une pression considérable sur les ressources en eau de la région. Dans ce contexte, combler le déficit d'investissements dans ce secteur s'avère crucial pour assurer un développement durable et améliorer la qualité de vie des populations.

Les données des organisations internationales compétentes révèlent qu'à l'échelle mondiale, plus de deux milliards de personnes n'ont pas accès à une eau potable salubre. Si aucune action décisive n'est entreprise, la situation risque de s'aggraver dans les années à venir. D'ici 2050, la consommation d'eau potable pourrait augmenter de 1,5 fois, exacerbant encore les tensions autour de cette ressource vitale. C'est pourquoi l'accès à l'eau potable et la gestion durable des ressources en eau et de l'assainissement figurent parmi les objectifs prioritaires du développement durable des Nations Unies, notamment l'objectif numéro 6.

La question de l'eau en Asie centrale ne se limite pas uniquement à l'approvisionnement mais englobe également la gestion efficace des ressources existantes, la modernisation des infrastructures, et l'amélioration de la coopération transfrontalière entre les États de la région. Cette approche intégrée est essentielle pour répondre aux besoins croissants des populations tout en préservant l'environnement fragile de l'Asie centrale.

Ce texte présente un aperçu de la situation actuelle en Asie centrale, tout en soulignant l'importance de l'eau comme levier stratégique pour l'avenir de la région. La mobilisation de ressources adéquates et la mise en œuvre de politiques efficaces sont indispensables pour garantir un accès équitable à l'eau potable et assurer un développement harmonieux à long terme.

Arman Akhunbaïev, directeur du Centre d'analyse sectorielle de la Direction des travaux analytiques de la Banque eurasienne de développement (EABR), a souligné dans une interview accordée à "Trend" que la question de l'eau est devenue une préoccupation majeure en Asie centrale.

« Aujourd'hui, 10 millions de personnes, soit 14 % de la population, n'ont pas accès à une eau potable sûre. Le financement des plans et programmes de développement du secteur de l'eau et de l'assainissement dans les pays d'Asie centrale est largement insuffisant pour atteindre l'Objectif de Développement Durable (ODD) 6 d'ici 2030. Pour la période 2025-2030, la région fait face à un déficit de plus de 12 milliards de dollars, soit environ 2 milliards de dollars par an. Les pays d'Asie centrale sont confrontés au défi pressant de trouver des financements pour le secteur de l'eau et de l'assainissement », a-t-il déclaré.

M. Akhunbaïev a également souligné les retombées économiques potentiellement significatives des investissements dans ce secteur. « Chaque dollar investi génère en moyenne trois dollars supplémentaires dans l'économie. Ces investissements sont indispensables pour garantir la santé publique, améliorer l'éducation, et renforcer les avantages sociaux », a-t-il ajouté.

Ses déclarations mettent en lumière l'urgence d'une mobilisation accrue des ressources financières pour le secteur de l'eau en Asie centrale, une région où les défis liés à l'accès à l'eau potable menacent non seulement la santé publique, mais aussi la stabilité économique et sociale.

Selon Arman Akhunbaïev, les principaux défis auxquels fait face le secteur de l'eau et de l'assainissement en Asie centrale sont nombreux et préoccupants : la rareté des ressources en eau, l'infrastructure vieillissante, la dégradation de la qualité de l'eau, une mauvaise gestion, ainsi qu'un rythme d'urbanisation élevé.

Dans son analyse, M. Akhunbaïev a décrit l'accumulation de problèmes au sein du secteur de l'eau et de l'assainissement dans la région. « Entre 1996 et 2020, nous avons observé un doublement du volume d'eau prélevée pour les besoins domestiques, passant de 4,2 mètres cubes à 8,5 mètres cubes. Parallèlement, l'usure des infrastructures d'approvisionnement en eau et des stations d'épuration a atteint 80 %, tandis que les pertes technologiques et commerciales dans les réseaux de distribution s'élèvent jusqu'à 55 %. »

Les données qu'il fournit sont alarmantes :

Au Kazakhstan, 50 % des stations de traitement de l'eau et des stations de pompage affichent un taux d'usure supérieur à 70 %.

Au Kirghizistan, seulement 27,5 % de l'eau distribuée dans les réseaux est effectivement traitée par les stations d'épuration.

Au Tadjikistan, 80 % des stations d'épuration sont dans un état technique jugé insatisfaisant.

En Ouzbékistan, plus de 30 % de la population consomme de l'eau potable qui ne répond pas aux normes de qualité.

Ces chiffres soulignent l'urgence d'une réforme en profondeur du secteur, tant en matière d'infrastructures que de gestion. Sans interventions rapides et appropriées, les risques pour la santé publique, l'environnement, et la stabilité socio-économique de la région ne feront que s'aggraver. M. Akhunbaïev appelle ainsi à une mobilisation urgente des ressources et à l'adoption de solutions innovantes pour faire face à ces défis.

Arman Akhunbaïev souligne avec insistance que la non-conformité de la qualité de l'eau potable aux normes sanitaires et épidémiologiques représente une menace potentielle pour la sécurité nationale des pays d'Asie centrale. Cette situation critique est aggravée par une gestion défaillante des infrastructures de distribution et d'assainissement dans la région.

Les problèmes de gestion incluent la décentralisation du système dans les villes et les villages, la transmission des infrastructures de distribution d'eau aux autorités locales, la privatisation du parc immobilier avec une responsabilisation accrue des habitants pour l'exploitation et la maintenance, ainsi que l'absence de mécanismes de coordination entre les autorités nationales, locales, et les entreprises du secteur. Ces dysfonctionnements se traduisent par une baisse de la qualité de la planification et de la conception, une augmentation des coûts des travaux d'urgence de 2 à 3,5 fois, et une diminution de la fiabilité de l'approvisionnement en eau potable.

Selon les données de la Banque mondiale, plus de 25 % de la population d'Asie centrale n'a pas accès à une eau potable salubre, et environ 40 % ne disposent pas de conditions d'assainissement adéquates. La situation est particulièrement préoccupante dans les zones rurales, où les infrastructures sont non seulement obsolètes, mais nécessitent également des investissements considérables pour leur modernisation et leur extension.

Ces constats mettent en lumière l'urgence de réformes structurelles et d'investissements significatifs pour améliorer l'accès à l'eau potable et aux services d'assainissement dans toute la région. Le défi est immense, mais les implications pour la santé publique, la stabilité sociale et la sécurité nationale rendent ces efforts indispensables.

Dans un entretien avec le correspondant de "Trend", des experts ont mis en lumière les obstacles majeurs qui aggravent la crise du secteur de l'eau en Asie centrale : le manque de financement, les barrières bureaucratiques, et un soutien institutionnel insuffisant. Ces facteurs contribuent à un déficit d'investissement estimé à plusieurs milliards de dollars, rendant nécessaires des mesures urgentes pour attirer les capitaux et améliorer la gestion des ressources en eau.

Pour stimuler l'intérêt des investisseurs privés, les experts soulignent l'importance de créer un climat d'investissement favorable. Cela nécessite une transparence et une prévisibilité accrues du cadre réglementaire, la réduction des procédures bureaucratiques, ainsi que l'octroi d'incitations fiscales et autres aux entreprises prêtes à s'engager dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Dans ce contexte, le développement de partenariats public-privé (PPP) efficaces est perçu comme un levier essentiel pour garantir des investissements à long terme dans les infrastructures nécessaires.

Un autre défi crucial réside dans l'établissement de tarifs équitables et durables pour les services d'eau et d'assainissement. Actuellement, les tarifs appliqués ne couvrent souvent pas les coûts d'exploitation et d'investissement, ce qui limite les moyens disponibles pour l'entretien et la modernisation des systèmes. L'introduction de tarifs reflétant le coût réel des services, tout en intégrant des mécanismes de soutien pour les populations vulnérables, pourrait non seulement encourager une utilisation plus rationnelle des ressources, mais aussi attirer des investissements supplémentaires indispensables.

Ces réformes sont essentielles pour surmonter les défis structurels du secteur et garantir un accès durable à l'eau potable en Asie centrale. Les décisions prises aujourd'hui auront des répercussions profondes sur l'avenir de la région, tant sur le plan économique que social.

Les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement, et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement occupent une place centrale dans le financement des projets d'eau et d'assainissement en Asie centrale. L'augmentation des volumes de financement, l'octroi de prêts à taux préférentiels, de subventions, ainsi que l'assistance technique, sont des éléments clés pour combler le déficit d'investissement et permettre la réalisation de projets d'infrastructure à grande échelle.

Cependant, attirer de nouveaux investissements ne suffit pas. Il est également crucial d'améliorer l'efficacité de l'utilisation des ressources existantes. Cette optimisation peut être atteinte par l'introduction de technologies modernes, la réduction des pertes d'eau dans les systèmes d'approvisionnement, l'amélioration de l'efficacité énergétique des stations d'épuration, et le recours accru aux sources d'énergie renouvelables. Une meilleure gestion des ressources en eau, tant au niveau national que régional, est également indispensable pour maximiser l'efficacité des investissements réalisés.

Un autre facteur clé de succès réside dans la sensibilisation des populations et des communautés locales à l'importance d'une utilisation efficace de l'eau et à la nécessité d'investir dans les infrastructures. La mise en œuvre de programmes éducatifs, de campagnes d'information, et de formations ciblées peut encourager une approche plus responsable vis-à-vis des ressources en eau, renforçant ainsi l'adhésion des populations aux initiatives visant à attirer et à utiliser efficacement les investissements.

Ces stratégies combinées pourraient non seulement contribuer à résoudre les défis actuels, mais aussi à assurer une gestion durable des ressources en eau en Asie centrale, garantissant ainsi un avenir plus sûr et prospère pour la région.

Combler le déficit d'investissement dans le secteur de l'eau potable et de l'assainissement en Asie centrale nécessite une approche globale, intégrant plusieurs éléments clés : l'amélioration du climat d'investissement, l'optimisation des politiques tarifaires, une coopération internationale active, et une utilisation plus efficace des ressources. Il est crucial de comprendre que sans des investissements significatifs et la modernisation des infrastructures, la région risque de voir ses problèmes liés à l'approvisionnement en eau et à l'assainissement s'aggraver, ce qui pourrait entraîner de graves conséquences sociales et économiques.

L'Asie centrale dispose d'un potentiel de développement considérable, et combler le déficit d'investissement dans le secteur de l'eau constitue un pas essentiel vers un développement durable et une amélioration de la qualité de vie de millions de personnes dans la région. En investissant dans des infrastructures modernes et en adoptant des politiques efficaces, la région peut non seulement résoudre les défis actuels, mais aussi se positionner favorablement pour un avenir plus prospère et stable.

Arman Ahunbaev

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